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UNE PAGE D’AMOUR.

Alors, la porte resta ouverte, on laissa Hélène libre. Lorsqu’elle rentra, elle eut un regard éperdu sur les meubles, autour des murs. On venait d’emporter le corps. Rosalie avait tiré la couverture pour effacer jusqu’au poids léger de celle qui était partie. Et, ouvrant les bras dans un geste fou, les mains tendues, Hélène se précipita vers l’escalier. Elle voulait descendre. M. Rambaud la retenait, pendant que madame Deberle lui expliquait que cela ne se faisait pas. Mais elle jurait d’être raisonnable, de ne pas suivre l’enterrement. On pouvait bien lui permettre de voir ; elle se tiendrait tranquille dans le pavillon. Tous deux pleuraient en l’écoutant. Il fallut l’habiller. Juliette cacha sa robe d’appartement sous un châle noir. Seulement elle ne trouvait pas de chapeau ; enfin, elle en découvrit un, dont elle arracha un bouquet de verveines rouges. M. Rambaud, qui devait conduire le deuil, prit Hélène à son bras. Quand on fut dans le jardin :

— Ne la quittez pas, murmura madame Deberle. Moi, j’ai un tas d’affaires…

Et elle s’échappa. Hélène marchait péniblement, cherchant du regard devant elle. En entrant dans le grand jour, elle avait eu un soupir. Mon Dieu ! quelle belle matinée ! Mais ses yeux étaient allés droit à la grille, elle venait d’apercevoir la petite bière sous les tentures blanches. M. Rambaud ne la laissa approcher que de deux ou trois pas.

— Voyons, soyez courageuse, disait-il, tout frissonnant lui-même.

Ils regardèrent. L’étroit cercueil baignait dans un rayon. Sur un coussin de dentelle, aux pieds, était posé un crucifix d’argent. À gauche, un goupillon trempait dans un bénitier. Les grands cierges brûlaient