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LES ROUGON-MACQUART.

sans une flamme, tachant seulement le soleil de petites âmes dansantes qui s’envolaient. Sous les tentures, des branches d’arbres faisaient un berceau, avec leurs bourgeons violâtres. C’était un coin de printemps, où tombait, par un écartement des draperies, la poussière d’or du large rayon qui épanouissait les fleurs coupées, dont la bière était couverte. Il y avait là un écroulement de fleurs, des gerbes de roses blanches en tas, des camélias blancs, des lilas blancs, des œillets blancs, toute une neige amassée de pétales blancs ; le corps disparaissait, des grappes blanches glissaient du drap ; par terre des pervenches blanches, des jacinthes blanches avaient coulé et s’effeuillaient. Les rares passants de la rue Vineuse s’arrêtaient, avec un sourire ému, devant ce jardin ensoleillé où cette petite morte dormait sous les fleurs. Tout ce blanc chantait, une pureté éclatante flambait dans la lumière, le soleil chauffait les tentures, les bouquets et les couronnes, d’un frisson de vie. Au-dessus des roses, une abeille bourdonnait.

— Les fleurs… les fleurs…, murmura Hélène, qui ne trouva pas d’autres paroles.

Elle appuyait son mouchoir sur ses lèvres, ses yeux s’emplissaient de larmes, il lui semblait que Jeanne devait avoir chaud, et cette pensée la brisait davantage, d’un attendrissement où il y avait de la reconnaissance pour ceux qui venaient de couvrir l’enfant de toutes ces fleurs. Elle voulut s’avancer, M. Rambaud ne songea plus à la retenir. Comme il faisait bon sous les tentures ! Un parfum montait, l’air tiède n’avait pas un souffle. Alors, elle se baissa et ne choisit qu’une rose. C’était une rose qu’elle venait chercher, pour la glisser dans son corsage. Mais un