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UNE PAGE D’AMOUR.

tremblement la prenait, M. Rambaud eut peur.

— Ne restez pas là, dit-il, en l’entraînant. Vous avez promis de ne pas vous rendre malade.

Il cherchait à la conduire dans le pavillon, lorsque la porte du salon s’ouvrit toute grande. Pauline parut la première. Elle s’était chargée d’organiser le cortége. Une à une, les petites filles descendirent. Il semblait que ce fût une floraison hâtive, des aubépines miraculeusement fleuries. Les robes blanches se gonflaient dans le soleil, se moiraient de transparences, où toutes les nuances délicates du blanc passaient comme sur des ailes de cygne. Un pommier laissait tomber ses pétales, des fils de la Vierge flottaient, les robes étaient la candeur même du printemps. Elles ne cessaient point, elles entouraient déjà la pelouse, et elles descendaient toujours le perron, légères, envolées comme un duvet, épanouies tout d’un coup au grand air.

Alors, quand le jardin fut tout blanc, en face de cette bande lâchée de petites filles, Hélène eut un souvenir. Elle se rappela le bal de l’autre belle saison, avec la joie dansante des petits pieds. Et elle revoyait Marguerite en laitière, sa boîte au lait pendue à la ceinture, Sophie en soubrette, tournant au bras de sa sœur Blanche, dont le costume de Folie sonnait un carillon. Puis, c’étaient les cinq demoiselles Levasseur, des Chaperons-Rouges qui multipliaient les toquets de satin ponceau à bandes de velours noir ; tandis que la petite Guiraud, avec son papillon d’Alsacienne dans les cheveux, sautait comme une perdue, en face d’un Arlequin deux fois plus grand qu’elle. Aujourd’hui, toutes étaient blanches. Jeanne aussi était blanche, sur l’oreiller de satin blanc, dans les fleurs. La fine Japonaise, au chignon traversé de lon-