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LES ROUGON-MACQUART.

— Mon Dieu ! quel ennui ! répétait madame Deberle, en voyant le cortége s’ébranler. Si Henri avait retardé cette consultation ! Je le lui disais bien.

Elle ne savait que faire d’Hélène, affaissée sur un siége du pavillon. Henri serait resté près d’elle. Il l’aurait un peu consolée. C’était très-désagréable, qu’il ne fût pas là. Heureusement, mademoiselle Aurélie voulut bien se proposer ; elle n’aimait pas les choses tristes, elle s’occuperait en même temps de la collation que les enfants devaient trouver à leur retour. Madame Deberle se hâta de rejoindre le convoi qui se dirigeait vers l’église, par la rue de Passy.

Maintenant, le jardin était vide, des ouvriers pliaient les tentures. Il n’y avait plus, sur le sable, à la place où Jeanne avait passé, que les pétales effeuillés d’un camélia. Et Hélène, tombée tout d’un coup à cette solitude et à ce grand silence, éprouvait de nouveau l’angoisse, l’arrachement de l’éternelle séparation. Une seule fois encore, être auprès d’elle une seule fois ! L’idée fixe que Jeanne s’en allait fâchée, avec son visage muet et noir de rancune, la traversait de la brûlure vive d’un fer rouge. Alors, voyant bien que mademoiselle Aurélie la gardait, elle fut pleine de ruse pour lui échapper et courir au cimetière.

— Oui, c’est une grande perte, répétait la vieille fille, installée commodément dans un fauteuil. Moi, j’aurais adoré les enfants, les petites filles surtout. Eh bien ! quand j’y songe, je suis contente de ne m’être pas mariée. Ça évite des chagrins…

Elle croyait la distraire. Elle parla d’une de ses amies qui avait eu six enfants ; tous étaient morts. Une autre dame restait seule avec un grand fils qui la battait ; celui-là aurait dû mourir, sa mère se serait