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UNE PAGE D’AMOUR.

consolée sans peine. Hélène semblait l’écouter. Elle ne bougeait plus, agitée seulement d’un tremblement d’impatience.

— Vous voilà plus calme, dit enfin mademoiselle Aurélie. Mon Dieu ! il faut toujours finir par se faire une raison.

La porte de la salle à manger s’ouvrait dans le pavillon japonais. Elle s’était levée, elle poussa cette porte, allongea le cou. Des assiettes de gâteaux couvraient la table. Hélène, vivement, s’enfuit par le jardin. La grille était ouverte, les ouvriers des Pompes funèbres emportaient leur échelle.

À gauche, la rue Vineuse tourne dans la rue des Réservoirs. C’est là que se trouve le cimetière de Passy. Un mur de soutènement colossal s’élève du boulevard de la Muette, le cimetière est comme une terrasse immense qui domine la hauteur, le Trocadéro, les avenues, Paris entier. En vingt pas, Hélène fut devant la porte béante, déroulant le champ désert des tombes blanches et des croix noires. Elle entra. Deux grands lilas bourgeonnaient aux angles de la première allée. On enterrait rarement, des herbes folles poussaient, quelques cyprès coupaient les verdures de leurs barres sombres. Hélène s’enfonça droit devant elle ; une bande de moineaux s’effaroucha, un fossoyeur leva la tête, après avoir lancé à la volée sa pelletée de terre. Sans doute, le convoi n’était pas arrivé, le cimetière semblait vide. Elle coupa à droite, poussa jusqu’au parapet de la terrasse ; et, comme elle faisait le tour, elle aperçut derrière un bouquet d’acacias les petites filles en blanc, agenouillées devant le caveau provisoire, où l’on venait de descendre le corps de Jeanne. L’abbé Jouve, la main tendue, donnait une dernière bénédiction. Elle entendit seulement le bruit sourd