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LES ROUGON-MACQUART.

peut avoir confiance, il a ressuscité un petit garçon qu’on allait emporter… Oh ! vous ne m’empêcherez pas de le dire, il n’y en a pas deux comme lui. J’ai la main chanceuse, je tombe sur la crème des honnêtes gens… Aussi, je remercie le bon Dieu tous les soirs. Je ne vous oublie ni l’un ni l’autre, allez ! Vous êtes ensemble dans mes prières… Que le bon Dieu vous protège et vous accorde tout ce que vous pouvez souhaiter ! Qu’il vous comble de ses trésors ! Qu’il vous garde une place dans son paradis !

Elle s’était soulevée, et, les mains jointes, elle semblait implorer le ciel avec une ferveur extraordinaire. Hélène la laissa longtemps aller ainsi, et même elle souriait. L’humilité bavarde de la vieille femme finissait par la bercer et l’assoupir d’une façon très-douce. Lorsqu’elle partit, elle lui promit un bonnet et une robe, pour le jour où elle se lèverait.

Toute la semaine, Hélène s’occupa de la mère Fétu. La visite qu’elle lui faisait chaque après-midi, entrait dans ses habitudes. Elle s’était surtout prise d’une singulière amitié pour le passage des Eaux. Cette ruelle escarpée lui plaisait par sa fraîcheur et son silence, par son pavé toujours propre, que lavait, les jours de pluie, un torrent coulant des hauteurs. Quand elle arrivait, elle avait, d’en haut, une étrange sensation, en regardant s’enfoncer la pente raide du passage, le plus souvent désert, connu à peine de quelques habitants des rues voisines. Puis, elle se hasardait, elle entrait par une voûte, sous la maison qui borde la rue Raynouard ; et elle descendait à petits pas les sept étages de larges marches, le long desquelles passe le lit d’un ruisseau caillouté, occupant la moitié de l’étroit couloir. Les murs des jardins, à droite et à gauche, se renflaient, mangés d’une