Page:Emile Zola - Une page d'amour.djvu/48

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
48
LES ROUGON-MACQUART.


Ce jour-là, dans le ciel pâle, le soleil mettait une poussière de lumière blonde. C’était, entre les branches sans feuilles, une pluie lente de rayons. Les arbres rougissaient, on voyait les fins bourgeons violâtres attendrir le ton gris de l’écorce. Et sur la pelouse, le long des allées, les herbes et les graviers avaient des pointes de clarté, qu’une brume légère, au ras du sol, noyait et fondait. Il n’y avait pas une fleur, la gaieté seule du soleil sur la terre nue annonçait le printemps.

— Maintenant, c’est encore un peu triste, reprit madame Deberle. Vous verrez en juin, on est dans un vrai nid. Les arbres empêchent les gens d’à côté d’espionner, et nous sommes alors complètement chez nous…

Mais elle s’interrompit pour crier :

— Lucien, veux-tu bien ne pas toucher à la fontaine !

Le petit garçon, qui faisait les honneurs du jardin à Jeanne, venait de la conduire devant une fontaine, sous le perron, et là, il avait tourné le robinet, présentant le bout de ses bottines pour les mouiller. C’était un jeu qu’il adorait. Jeanne, très-grave, le regardait se tremper les pieds.

— Attends, dit Pauline qui se leva, je vais le faire tenir tranquille.

Juliette la retint.

— Non, non, tu es plus écervelée que lui. L’autre jour, on aurait cru que vous aviez pris un bain tous les deux… C’est singulier qu’une grande fille ne puisse pas rester deux minutes assise…

Et, se tournant :

— Entends-tu, Lucien, ferme le robinet tout de suite !

L’enfant, effrayé, voulut obéir. Mais il tourna la clef davantage, l’eau coula avec une raideur et un