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LES ROUGON-MACQUART.

quiétaient des enfants, qui avaient disparu. Où pouvaient-ils être ? Et comme elles les appelaient, deux voix aiguës s’élevèrent.

— Nous sommes là !

Ils étaient là, en effet, au milieu de la pelouse, assis dans l’herbe, à demi cachés par un fusain.

— Qu’est-ce que vous faites donc ?

— Nous sommes arrivés à l’auberge ! cria Lucien. Nous nous reposons dans notre chambre.

Un instant, elles les regardèrent, très-égayées. Jeanne se prêtait au jeu, complaisamment. Elle coupait de l’herbe autour d’elle, sans doute pour préparer le déjeuner. La malle des voyageurs était figurée par un bout de planche, qu’ils avaient ramassé au fond d’un massif. Maintenant, ils causaient. Jeanne se passionnait, répétant avec conviction qu’ils étaient en Suisse et qu’ils allaient partir pour visiter les glaciers, ce qui semblait stupéfier Lucien.

— Tiens ! le voilà ! dit tout d’un coup Pauline.

Madame Deberle se tourna et aperçut Malignon qui descendait le perron. Elle lui laissa à peine le temps de saluer et de s’asseoir.

— Eh bien ! vous êtes gentil, vous ! d’aller dire partout que je n’ai que de la camelote chez moi !

— Ah ! oui, répondit-il tranquillement, ce petit salon… Certainement, c’est de la camelote. Vous n’avez pas un objet qui vaille la peine d’être regardé.

Elle était très-piquée.

— Comment, le magot ?

— Mais non, mais non, tout cela est bourgeois… Il faut du goût. Vous n’avez pas voulu me charger de l’arrangement…

Alors elle l’interrompit, très-rouge, vraiment en colère.