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LES ROUGON-MACQUART.

plus dévote. En haut, Rosalie était restée près de Jeanne, et elle avait allumé la lampe posée sur le guéridon. Dès que le médecin entra, il prit cette lampe, il éclaira vivement l’enfant, qui gardait une rigidité douloureuse ; seulement, la tête avait glissé, de rapides crispations couraient sur la face. Pendant une minute, il ne dit rien, les lèvres pincées. Hélène, anxieusement, le regardait. Quand il aperçut ce regard de mère qui l’implorait, il murmura :

— Ce ne sera rien… Mais il ne faut pas la laisser ici. Elle a besoin d’air.

Hélène, d’un geste fort, l’emporta sur son épaule. Elle aurait baisé les mains du médecin pour sa bonne parole, et une douceur coulait en elle. Mais à peine eut-elle posé Jeanne dans son grand lit, que ce pauvre petit corps de fillette fut agité de violentes convulsions. Le médecin avait enlevé l’abat-jour de la lampe, une clarté blanche emplissait la pièce. Il alla entr’ouvrir une fenêtre, ordonna à Rosalie de tirer le lit hors des rideaux. Hélène, reprise par l’angoisse, balbutiait :

— Mais elle se meurt, monsieur !… Voyez donc, voyez donc !… Je ne la reconnais plus !

Il ne répondait pas, suivait l’accès d’un regard attentif. Puis, il dit :

— Passez dans l’alcôve, tenez-lui les mains pour qu’elle ne s’égratigne pas… Là, doucement, sans violence… Ne vous inquiétez pas, il faut que la crise suive son cours.

Et tous deux, penchés au-dessus du lit, ils maintenaient Jeanne, dont les membres se détendaient avec des secousses brusques. Le médecin avait boutonné son veston pour cacher son cou nu. Hélène était restée enveloppée dans le châle qu’elle avait jeté sur