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LES ROUGON-MACQUART.

yeux : là-bas, la coulée se séparait dans la débandade confuse des maisons ; les ponts, des deux côtés de la Cité, devenaient des fils tendus d’une rive à l’autre ; et les tours de Notre-Dame, toutes dorées, se dressaient comme les bornes de l’horizon, au delà desquelles la rivière, les constructions, les massifs d’arbres n’étaient plus que de la poussière de soleil. Alors, éblouie, elle quitta ce cœur triomphal de Paris, où toute la gloire de la ville paraissait flamber. Sur la rive droite, au milieu des futaies des Champs-Élysées, les grandes verrières du Palais de l’Industrie étalaient des blancheurs de neige ; plus loin, derrière la toiture écrasée de la Madeleine, semblable à une pierre tombale, se dressait la masse énorme de l’Opéra ; et c’étaient d’autres édifices, des coupoles et des tours, la colonne Vendôme, Saint-Vincent de Paul, la tour Saint-Jacques, plus près les cubes lourds des pavillons du nouveau Louvre et des Tuileries, à demi enfouis dans un bois de marronniers. Sur la rive gauche, le dôme des Invalides ruisselait de dorures ; au delà, les deux tours inégales de Saint-Sulpice pâlissaient dans la lumière ; et, en arrière encore, à droite des aiguilles neuves de Sainte-Clotilde, le Panthéon bleuâtre, assis carrément sur une hauteur, dominait la ville, développait en plein ciel sa fine colonnade, immobile dans l’air avec le ton de soie d’un ballon captif.

Maintenant, Hélène, d’un coup d’œil paresseusement promené, embrassait Paris entier. Des vallées s’y creusaient, que l’on devinait aux mouvements des toitures ; la butte des Moulins montait avec un flot bouillonnant de vieilles ardoises, tandis que la ligne des grands boulevards dévalait comme un ruisseau, où s’engloutissait une bousculade de maisons dont on