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LES ROUGON-MACQUART.

— Vous pensez peut-être que je la tromperai ?… Puisque je vous dis que c’est juré ! Je l’épouserai, voyez-vous, aussi vrai que le jour nous éclaire… Et je suis tout prêt à vous signer ça… Oui, si vous voulez, je vais vous signer un papier…

Une grosse émotion le soulevait. Il marchait dans la chambre, cherchant des yeux s’il n’apercevait pas une plume et de l’encre. Hélène tenta vivement de le calmer. Il répétait :

— J’aimerais mieux vous signer un papier… Qu’est-ce que ça vous fait ? vous seriez bien tranquille ensuite.

Mais, juste à ce moment, Jeanne, qui avait disparu de nouveau, rentra en dansant et en tapant des mains.

— Rosalie ! Rosalie ! Rosalie ! chantait-elle sur un air sautillant qu’elle composait.

Par les portes ouvertes, on entendit en effet l’essoufflement de la bonne qui montait, chargée de son panier. Zéphyrin recula dans un coin de la pièce ; un rire silencieux fendait sa bouche d’une oreille à l’autre, et ses yeux en trous de vrille luisaient d’une malice campagnarde. Rosalie entra droit dans la chambre, comme elle en avait l’habitude familière, pour montrer les provisions du matin à sa maîtresse.

— Madame, dit-elle, j’ai acheté des choux-fleurs… Voyez donc !… Deux pour dix-huit sous, ce n’est pas cher…

Elle tendait son panier entr’ouvert, lorsqu’en levant la tête, elle aperçut Zéphyrin qui ricanait. Une stupeur la cloua sur le tapis. Il s’écoula deux ou trois secondes, elle ne l’avait sans doute pas reconnu tout de suite sous l’uniforme. Ses yeux ronds s’agrandirent, sa petite face grasse devint pâle, tandis que ses durs cheveux noirs remuaient.