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ressoient la gloire ou le repos des nations. ils formèrent seuls un spectacle d’une dépense vraiment royale, & qui fut porté souvent dans les deux derniers siècles au plus haut point de magnificence & de grandeur.

Par les notions qu’on avoit conferrées de la danse des anciens, & par les idées que fit naître la belle fête de Bergonce Botta, ce genre de spectacle parut susceptible de la plus heureuse variété.

Il pouvoit être la représentation des choses naturelles ou merveilleuses, puisque la danse en devoit être le fond, & qu’elle peut aisément peindre les unes & les autres. Il n’existoit rien par conséquent dans la nature, & l’imagination brillante des poëtes ne pouvoit rien inventer qui ne fut de son ressort. Ainsi, après avoir décidé le genre, on le divisa en ballets historiques, fabuleux & poétiques.

Les premiers furent la représentation des sujets connus dans l’histoire, comme le siège de Troye, les batailles d’Alexandre, la conjuration de Cinna.

Les sujets de la fable, tels que le jugement de Pâris, les noces de Pélée, la naissance de Venus, furent la matière des seconds.

Les poétiques, qui devoient nécessairement paroître les plus ingénieux, tenoient pour la plupart du fonds des deux autres. On exprima par les uns, des choses purement naturelles, comme la nuit, les saisons, les âges. Il y en eut qui renfermoient un sens moral sous une allégorie délicate. Tels étoient les ballets des proverbes, des plaisirs troublés, de la curiosité. On en fit de pur caprice. De ce nombre étoit le ballet des Postures & celui de Bicestre. Quelques autres ne furent que les expressions naïves, de certains événemens communs, ou de choses ordinaires qu’on crut susceptibles de plaisanterie & de gaieté ; comme les ballets des cris de Paris, des passe-temps du carnaval.

La division ordinaire de toutes ces compositions étoit en cinq actes. Chaque acte étoit composé de trois, six, neuf & quelquefois de douze entrées.

On appelloit entrée un ou plusieurs quadrilles de danseurs qui, par leurs pas, leurs gestes, leurs attitudes, représentoient la partie de l’action générale dont ils étoient chargés.

On entendoit par quadrille, non-seulement quatre, mais six, huit & jusqu’à douze danseurs vêtus uniformément, ou même de caractères différens, qui formoient des troupes particulières, lesquelles le succédoient, & faisoient ainsi succéder le cours de l’action. Il n’est point de genre de danse, de sorte d’instrument, de caractère de symphonie qu’on n’ait eu l’adresse de faire entrer dans cette grande composition.

Les anciens, qu’un goût exercé guidoit toujours dans leurs spectacles, avoient eu une attention singulière à employer des symphonies & des instruments différents à mesure qu’ils introduisoient dans leurs danses des caractères nouveaux ; ils s’appliquoient avec un soin extrême, en scène. Sans cette précaution, cette partie auroit été toujours défectueuse. A leur exemple, dans les ballets exécutés dans les cours d’Europe, on enrichit l’orchestre de touts les divers instruments. Leur variété, leur harmonie, leurs sons particuliers paroissoient ainsi changer la scène, & donner à chacun des danseurs la physionomie du personnage qu’il devoit représenter.

Pour faire naitre, entretenir, accroître l’illusion théâtrale, on eut recours à l’art des machines. Le ballet étoit fondé sur le merveilleux. Les choses les plus extraordinaires, les prodiges éclatants, les descentes des Dieux, le cours des fleuves, le mouvement des flots de la mer, toutes les merveilles de la fable fournissoient les sujets de ces spectacles. Pour les rendre vraisemblables & pour donner un charme nouveau à leur représentation, l’art devoit venir au secours de la nature ; & on trouva, dans les forces mouvantes, dans la peinture, dans la menuiserie, dans la sculpture, &c., touts les moyens d’étonner, de séduire & d’exciter la curiosité.

On prit ordinairement la nuit pour l’exécution de ces spectacles. Il semble que sur ce point, plus heureux que les anciens, les derniers siècles & le notre aient trouvé le temps qui étoit le plus propre aux actions du théâtre. Le jour des lumières est un premier pas vers l’imitation, qui commence à faire naître l’illusion théâtrale, & quelles ressources ne peut-il pas fournir à l’art, pour donner de la force, de l’expression, de la vérité à la décoration & au surplus de l’ensemble ? Cette partie moins négligée rendroit notre opéra le plus surprenant spectacle de l’Europe. Le jour artificiel bien ménagé est capable de produire les plus étonnants effets ; mais c’est un art, peut-être un de ceux qu’on connoit le moins dans les lieux où il seroit le plus nécessaire.

Telles étoient les belles parties de ces spectacles superbes consacrés à la danse. Elles furent plus ou moins soignées, selon le plus ou le moins de goût des compositeurs de ces grands ouvrages, ou des souverains pour lesquels ils furent préparés.

Des ballets poétiques.

L’opéra en Italie s’empara des sujets de l’histoire & de la fable, & l’on vit de grands ballets purement historiques qui fournissoient une carrière plus vaste à l’imagination des compositeurs, & furent beaucoup plus en usage. On en composa de trois sortes, d’allégoriques, de moraux & de bouffons.

La reine Catherine de Médicis porta ce genre à la cour de France, & ne l’y fit servir qu’à une espèce de manège domestique. Accoutumée à jouir de la docilité des François, elle ne prévoyoit point les discordes civiles, & son génie n’étoit pas assez vaste pour pressentir, comme Auguste, l’utilité des spectacles publics. Ses vues restèrent resserrées dans le cercle étroit de la cour. Toute sa vie se passa à diviser, à brouiller, & par conséquent à enhardir les courtisans, qu’il lui étoit aisé d’asservir ; à dé-