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Fiacre. Au surplus, la disposition de la forme des arbres dépend de la volonté du propriétaire.

Lorsque l’on plante un fruitier, l’espace paroît immense, & le pied de chaque arbre, très-éloigné du pied voisin, parce qu'alors on n'apperçoit qu'un tronc mince, sans branches, sans feuilles, & absolument nud, mais pour peu qu'on ait l’habitude de voir & de juger de l’espace qu'il occupera dans la suite, on se règle alors sur la distance proportionnelle que les arbres exigeront entr'eux : c'est pourquoi j'ai conseillé de mettre chaque espèce à part, soit par rapport au fruit, soit par rapport à la force de la végétation de chaque espèce. Ce n'est pas tout : on doit encore connoître la manière d'être & de végéter de chaque arbre dans le pays qu'on habite, & relativement au sol : par exemple, les bons-chrétiens d'été, d'Ausch, à feuilles de chêne, &c. poussent bien plus vigoureusement (toutes circonstances égales) dans les départemens du Midi que dans ceux du Nord ; ils demandent donc à être plus éloignés entr'eux dans cette région qu'aux environs de Paris. C'est de cette manière que l'homme instruit juge & compare, tandis que l’ignorant tire des coups de cordeaux, alligne & espace symmétriquement ses arbres. Eh ! le coup-d'œil, dira-t-on, doit-il être compté pour rien ? Je réponds : Eh ! qu'importe votre coup-d'œil à la nature ? croyez-vous que la beauté d'un jardin dépend d'une monotone symmétrie ? Le premier point est de tirer du sol tout le parti possible, & d'avoir des arbres de la plus grande beauté. Veut-on encore absolument ne pas déroger au total à l’ordre symmétrique ? eh bien, placez dans les premiers rangs les arbres qui étendent moins leurs branches & s'élèvent moins, & ainsi successivement pour les autres, selon l’ordre de la végétation. Alors les coups de cordeaux seront sur le devant plus serrés & plus larges dans le fond ; mais comme l’effet de la perspective est de paroître diminuer de largeur à mesure qu'elle se prolonge, la suppression d'un, de deux, de trois ou quatre arbres sur le fond sera insensible, suivant la grandeur & la largeur du quarreau ; alors, au lieu d'avoir des lignes droites, vous en aurez d'obliques, mais parallèles & symmétriques. Tout l’art consiste, avant de planter, de mesurer la longueur & la largeur du quarreau, de désigner par des points sur le papier l’espace qui doit régner entre chaque arbre, & de calculer leur nombre, de manière qu'il se trouve toujours un arbre sur la bordure tout autour du quarreau. Sa grandeur & la force de végétation de chaque espèce, décident le nombre que l’espace doit contenir, ainsi que celle à laisser entr'eux. On ne se repent jamais d'avoir éloigné les arbres ; au contraire, on se repent toujours, & bientôt, d'avoir planté trop près. Je plante près,


vous dit-on, pour jouir plus vite, à la longue je supprimerai un rang d'arbres. La précaution est utile pour garnir des espaliers, si toutefois on n'attend pas que les arbres aient souffert par l’entrelacement de leurs racines ; alors ces arbres surnuméraires de l’espalier seront choisis parmi ceux qui se mettent les premiers à fruits, & on les taillera fort à fruit, sans se soucier qu'ils fassent jamais de beaux arbres, puisqu’ils doivent être supprimés après un certain nombre d'armées. En général, on attend toujours trop tard à faire cette soustraction.

L'expérience démontre que les arbres plantés, soit dans les bas fonds, soit dans les terrains goûteux-marécageux, donnoient des fruits sans goût, & dont le parfum ne différoit guères de celui de la rave : de tels fruits sont très-indigestes, & ne se conservent pas. Ces arbres sont dévorés par la mousse, les lichens, &c, & la main attentive du jardinier ne peut complettement les détruire. Je préfererois un sol graveleux., ou caillouteux, ou sabloneux, parce, qu'avec de l’eau & des engrais appropriés, je me procurerois des arbres passables, mais dont le parfum du fruit seroit admirable. Lorsque le terrain est goûteux, les fossés d'écoulement sont le seul moyen de les assainir, s'il n'est pas possible d'en ouvrir, il vaut mieux renoncer à l’établissement du jardin. Heureux, cent fois heureux, celui qui trouve une bonne & profonde couche de terre végétale.

La position la plus utile pour un jardin fruitier, est celle d'un coteau à pente douce, & à l’abri des vents orageux. Dans les départemens du Midi, il est indispensable que l’on puisse conduire l’eau au pied des arbres, au moins deux ou trois fois dans l’été, & après que l'eau a pénétré la terre, la travailler ; sans cette précaution, le fruit flétrira sur l’arbre, ou bien, s'il y reste attaché, sa trop précoce maturité ne permettra pas qu'il prenne sa grosseur ordinaire ni son goût parfumé.

Peu de personnes se déterminent à planter des fruitiers séparés, & sur-tout avec des arbres à plein vent ; alors c'est un verger proprement dit, & pour profiter du terrain qui se trouve entre les arbres, on sème de la graine de foin ; mais on a soin chaque année de faire travailler deux fois la circonférence du pied des arbres. Si l’entretien de cette prairie exige une fréquente irrigation, ces arbres se trouveront dans le cas de ceux plantés dans les terrains humides, dont il a déjà été question. Cependant, cette terre ne doit pas rester inculte, on peut la semer ou la planter avec des légumes qui exigent peu d'eau, & qui sont en état d'être récoltés un peu auparavant l’époque des grandes chaleurs : les arbres profiteront singulièrement des labours donnés à