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qu'il y ait le moindre frottement. Elle est d'ailleurs si simple, que le laboureur le moins adroit peut bientôt s'en servir.

Cette charrue présente plusieurs avantages ; deux chevaux suffisent pour la faire aller, & on n'a pas besoin de garçon-conducteur. Attelée ainsi, elle est employée dans les terres les plus fortes, & elle peut faire, lorsque le temps est favorable, un acre (mesure anglaise) par jour. On met quelquefois un poids qui est souvent de 100 liv. entre le versoir & l’âge, afin de la faire enfoncer davantage. Dans ce cas, comme la terre est très-forte, on ne fait par jour que la moitié du travail ordinaire. Le manche simple est très-commode ; on le tient de la main gauche, tandis qu’on a à la droite un fouet, & qu'on se sert de cette main pour tirer les guides. Lorsqu'on laboure dans un terrain inégal, on peut, dans un instant, relever ou abaisser la charrue à volonté & avec la plus grande facilité ; un bon laboureur change souvent deux ou trois fois, dans le même sillon, la portée de sa charrue. Les deux chevaux allant de front, servent à guider le laboureur, qui peut voir entre les deux, & fait ainsi des sillons parfaitement droits.

Nota. Pour mieux faire connoître cette charrue, ses usages & avantages, nous ajouterons, à ce précédent extrait de la feuille du cultivateur, ce que nous lisons dans un des ouvrages de M. Marshall, agriculteur anglois, praticien qui a le plus écrit sur l’agriculture, si on en excepte M. Young, éditeur des annales d'agriculture, qui se publient tous les mois depuis 1784 ; il est assez singulier, dit M. Marshall, rural economy of Norfolk, que cette charrue ne soit employée que dans le comté de Norfolk ; la première fois que je l’ai vue c'étoit à Thetford, & je ne me rappelle pas avoir vu dans ce comté, de charrue d'aucune autre construction différente, ni d'avoir rencontré cette espèce de charrue ailleurs que dans le comté de Norfolk. Cependant on sait que cet instrument a été porté à différentes fois dans presque tous les districts de l'Angleterre, mais il me semble qu'il n'a été adopté par aucun de ces pays, si ce n'est peut-être dans le canton de la forêt de Nottingham.

Il n'y a aucun doute sur l’excellence de la charrue de Norfolk pour cultiver les terres de ce comté ou de tout autre sol qui lui ressemble, c'est-à-dire pour labourer une terre qui a de la profondeur, de la légèreté, une terre sableuse où le soc ne rencontre ni tuf, ni pierres grosses ou moyennes, ni grosses racines. Mais la largeur, la forme du soc de cette charrue font qu'elle ne peut pas servir avec succès à labourer une terre très-dure à entamer, ou dans laquelle il y a beaucoup de pierres ou d'autres obstacles qu'on ne


surmonte qu'en employant beaucoup de force, & la manière usitée de tenir ou d'assujettir la partie postérieure du cep empêche aussi qu’on ne puisse bien faire un profond sillon.

Les particularités de la construction de cette charrue sont surtout les suivantes : les roues sont plus grandes, plus travaillées que celles des autres petites charrues, quoique la forme des roues mêmes soit d'une belle simplicité ; le soc est plus plat que dans les charrues communes, il est aussi moins aigu. Le cep n'est pas en entier de bois, du moins sa face qui touche la terre, mais il est de fer, soit de fer forgé, soit de fer de fonte ; c'est une forte plaque qui a la forme du talon du cep des petites charrues nouvelles de la province d'Yorck ; enfin, la charrue de Norfolk n'a qu'un bras.

Marshall croit que ce seroit améliorer cet instrument que d'y mettre deux bras, au lieu d'un seul, parce qu'il trouve que, quand le laboureur appuie les deux mains sur le bras de la charrue, comme il est nécessaire dans un labour difficile, il a l’attitude très-gauche & l’air de peiner.

C'est sans doute une très utile addition ou amélioration pour toute espèce de charrue, que ces semelles ou talons de fonte de fer adaptés au cep ; elle doit rendre la marche ou le glissement du cep plus facile, & rendre le tirage de toute charrue, & sur-tout des charrues fort pesantes, moins pénible dans les terres glaiseuses, poisseuses, tenaces. Ce moyen me paroît beaucoup plus utile que ne seroit la roue ou roulette, ou les deux roulettes adaptées au talon du cep qui sont, dit-on, employées dans quelques cantons d'Angleterre, & dont des auteurs anglois parlent pour en dire les inconvéniens ; aussi l'usage de ces roulettes n'a point été adopté généralement. Le peu de diamètre ou grosseur des jentes des roues angloises, faites d'une seule bande de fer plat, paroît avoir l’avantage d'occasionner moins de frottement, de se charger de moins de terre que nos roues de bois ; mais ces roues ont, dit-on, les inconvéniens de se trop enfoncer dans les terres légères & sableuses, & dans les terres fortes quand elles sont molles ; ce quí m'a autorisé à leur croire plus de désavantages que d'avantages, c'est que de quelques cantons où on emploie en France ces roues à cercles ou jentes de fer, elles ne se sont pas étendues plus loin.

Fouet-guide pour la charrue. M. Marshall, agriculteur anglois, desireroit que pour perfectionner l'usage de la charrue de Norfolk, on y ajoutât l’instrument de son invention qu'il nomme fouet-rênes ou fouet-guide. Le laboureur ayant besoin de rênes ou guides pour faire arrêter ou tourner ses chevaux à chaque sillon qu'il fait, & d'un fouet