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acquises, ou des sensations personnelles. Mais, lorsqu’on prononce le mot beauté, en admirant une figure peinte dans un tableau, l’on entend le plus ordinairement la représentation la plus parfaite ou la plus convenable, ou la plus agréable d’un homme ou d’une femme, & ces distinctions dans l’idée qu’on se forme alors, désignent que cette idée est quelquefois plus particulièrement relative aux sens, quelquefois a l’esprit, quelquefois au sentiment ; ce qui s’accorde avec les notions que j’ai données dans l’article Beau.

Lors donc qu’on se récrie sur la beauté d’une femme peinte par un excellent Artiste, cette exclamation se rapporte le plus généralement, pour parler un langage poétique, ou bien à Vénus céleste, emblême du sentiment & de l’esprit, ou à Vénus terrestre, emblême des différentes satisfactions des sens.

Si l’exclamation sur la beauté se rapporte à une figure d’homme, elle a pour objet la perfection dont est susceptible l’homme, relativement à sa nature, à l’âge, à la circonstance, ou, pour parler plus généralement, aux convenances, aux conventions établies & aux bienséance.

Mais le mot beauté n’exprime le complément d’idée dont il est susceptible, qu’autant qu’il s’agit principalement dans un ouvrage artiel d’une figure entière, & que cette figure, ou nue, ou artistement couverte, peut laisser juger de son ensemble, ainsi que des détails des parties qui la constituent : car, sans cela, le mot beauté, appliqué comme il l’est le plus souvent, parmi nous, au visage & au buste seulement, se trouve alors restraint, & l’idée qui en résulte est très-loin d’être complette.

Il est encore nécessaire que la figure à laquelle on adapte le mot beauté, exprime, indépendamment de ce qui vient d’être dit, une action ou un sentiment, ou bien une idée spirituelle qui anime la perfection physique ; & puisque la beauté naît, comme je l’ai dit figurément, des idées appartenantes à Vénus, c’est l’amour qui naturellement a le droit le plus général d’animer la figure, & de donner plus d’intérêt à ses formes & aux parties qui la composent ; mais cet amour peut être, ainsi que sa mère, ou spirituel & sentimental, ou sensuel. Aussi dans les ouvrages que produit la Peinture, ce sont les sujets & les figures de ce genre qui inspirent le plus généralement la dénomination dont il s’agit dans cet article.

Ces sujets & les figures dont je parle, sont en grand nombre & susceptibles d’être infiniment varés & nuancés, d’après les actions, les faits, les histoires consacrées, & sur-tout d’après celles qu’on tire de la Mythologie, parce que les Fables Grecques offrent dans les faits qui la constituent, dans les allégories qui lui sont propres,


& dans celles qu’on en a tirées, les relations les plus heureuses des sensations, des sentimens & des idées spirituelles avec la Nature & avec les Arts.

Il faut observer encore que comme les objets peints passent par les organes d’un sens très-fin & très-actif, qui est la vue ; les premières qualités qui concourent à faire employer le mot beauté, doivent être des qualités propres à flatter le sens ; car le regard veut être satisfait, & la vue commence toujours par porter une sorte de jugement sur ce qui est spécialement de son ressort.

À la vérité, les hommes doués d’un esprit, ou-d’un sentiment très-prompt & très-exercé, croyent que ces facultés intellectuelles décident supérieurement à toute autre leurs jugemens. En effet, la promptitude de l’esprit & souvent celle du cœur, sont compter souvent pour rien la première impression du sens physique ; mais les hommes qui examinent & réfléchissent accordent ce qui lui appartient à chacune de leurs facultés ; & lorsqu’ils se servent du mot beauté, ils ne se dissimulent pas que c’est premièrement en conséquence du plaisir que le sens de la vue communique au cœur ou à l’esprit, qui, à la vérité, y ajoutent des sentimens & des idées dont on ne peut leur disputer la propriété.

Après avoir regardé la beauté comme objet d’une impression peu approfondie, soumettons-la à quelques réflexions élémentaires.

Ce qui satisfait le plus généralement le sens de la vue, sont les proportions.

Les proportions dans le sens le plus ordinaire à l’égard de la Peinture, sont les relations que les parties de chaque objet ont entre elles.

La satisfaction que nous donne la justesse des proportions, est attachée à notre nature, a notre instinct & à nos réflexions. Nous sommes soumis à des proportions nécessaires, qui sont à la vérité plus ou moins exactes & parfaites dans chaque individu, mais qui ne different pas assez pour nuire à la conscience habituelle que nous avons de ces proportions, d’autant qu’elles sont une des bases de notre existence. Elles contribuent encore à nos satisfactions & à l’espèce d’égalité qui peut exister entre nous.

Les parties de notre corps sont proportionnées à leur tout ; elles le sont aux usages qui nous sont propres. Nous en éprouvons même, sans nous en rendre compte, à chaque instant, les avantages, & ce n’est guère que lorsque notre imagination s’exalte, que nous desirerions qu’elles fussent différentes, pour seconder des desirs souvent déraisonnables, & dont l’accomplissement seroit nuisible à la sorte de bonheur qui nous est accordé.

Les objets qui nous sont étrangers, ont


Beaux-Arts, Tome I I