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tableau qu’il vient de mettre au jour & dans lequel il a représenté Alexandre victorieux de Darius dans les campagnes d’Arbelles ; qu’il apprenne à s’en servir heureusement comme lui, pour former ses grouppes & les détacher les uns des autres.

Si je voulois faire parler la Poësie, elle vous diroit que cette première heure a favorisé plus d’une fois les desseins des amans. Ce fut à son lever que l’Aurore enleva Céphale & le ravit à Procris. Le soleil ne paroissoit pas encore, lorsque Pâris arracha Helene d’entre les bras de Ménélas ; & si vous traitez ces sujets ou d’autres, semblables, ne leur cherchez point une autre heure du jour. Elle parôit encore très-convenable pour des sujets de chasse. Avez-vous à nous faire voir Adonis se séparant de Vénus pour s’enfoncer dans les forêts, ou Meléagre allant à la poursuite du sanglier de Calydon ? Je vous conseille de les faire partir avant que le soleil se soit montré. Je ne pousserai pas plus loin ces indications ; mais souvenez-vous, je vous prie, que lorsque j’ai caractérisé les six principales heures du jour, j’ai attribué à celle-ci le caractère du silence, & en est assez pour vous mettre sur la voie.

Je dois présentement vous tracer un léger crayon des effets de la lumière dans ce premier insant du jour ; elle n’a pas encore acquis à beaucoup près toute sa vivacité & elle n’en met que plus de douceur dans tout ce qui elle éclaire. Si je ne devois pas vous en parler, lorsque je traiterai l’article des Couleurs, je vous ferois observer combien les objets gagnent à être ainsi éclairés. L’Aurore qui colore agréablement les extrémités de tous les corps, ne fait que commencer à dissiper les ténèbres de la nuit, & l’air continue à être chargé de vapeurs & d’un brouillard qui laisse les corps dans une espèce d’indécision, à proportion qu’ils s’éloignent de l’œil. Si, dans certains jours, les vapeurs sont moins denses, les objets seront plus distincts ; d’un autre côté, comme le soleil ne s’est pas encore montré, les ombres ne peuvent pas être fort sensibles. Tous les corps doivent participer de la fraicheur de l’air & demeurer tous dans une espèce de demi-teinte. A l’égard du ciel, qui est la partie la plus caractérisante, il ne doit pas être chargé de beaucoup de nuages ; & s’il y en a, ils ne seront lumineux que sur lestes bords. Le fond ou l’azur du ciel doit aussi tirer un peu sur l’obscur, observant dans les parties qui seront plus voisines de l’horizon, que cet azur prenne un ton plus clair, afin que le ciel fasse mieux la voûte, & parce que c’est de cet endroit que vient la lumière naissante ; elle y doit être rassemblée toute entière & le ciel s’y colorer d’un incarnat vermeil, qui s’étendant parallèlement à l’horizon, formera, jusqu’à une certaine élévation, des bandes alternativement dorées & alternativement argentines, qui diminueront de vivacité à proportion qu’elles s éloigneront du point d’où part la lumière. Cette


description n’est point à moi : c’est un tableau du Bassan qui me la fournit.

Le Lever du Soleil

Le lever du Soleil suit de près celui de l’Aurore & bientôt la Nature s’embellit de couleurs vives & brillantes que l’astre du jour amène & fait éclore ; la joie renaît, tous les êtres en paroissent pénétrés. Le soleil lance ses premiers rayons sur les nuées, sur le sommet des montagnes & sur la cime des plus grands arbres ; il en illumine principalement les contours par des éclats de lumière, dans les parties qui sont tournées vers lui, & ces objets, qui, sans ce secours, resteroient entièrement dans la demi-teinte, s’en dessinent & s’en détachent mieux sur un beau ciel ; car je supposé & il est rare que le ciel ne soit pas serein, lorsque le soleil se montre, la lumière de cet astre naissant opère de la même manière sur les fabriques, sur les terreins, & généralement sur tous les corps sur lesquels elle se répand, elle en frappe vivement les arrêtes & les bords, les colore, & en même-temps elle produit dans tout ce qui forme angle rentrant, des ombres que leur allongement rend à cette heure plus sensibles & qui marquent par conséquent plus distinctement les saillies & les différens plans de tous ces objets.

A ce détail, il vous est aisé de vous appercevoir que dans ce moment j’ai principalement en vue les Paysages, que je veux vous y faire observer l’heureux effet d’un Soleil levant ; & il n’est point douteux que de toutes les lumières, il n’en est point qui soient aussi favorables que celle-ci à ce genre de tableaux. Je vous ai parlé de plans, & je crois pouvoir assurer encore qu’aucune sorte de lumière ne les fait mieux ressentir. Le Soleil, n ayant pas encore abandonné les bords de l’horizon, jette ses traits de lumière, de façon que, dirigés parallèlement à la surface du terrein, quand il est uni, ils se répandent sur les parties de ce terrein qu’ils peuvent éclairer sans obstacle ; tandis que celles où ils ne peuvent pénétrer, demeurent privées de lumière ; & ces oppositions alternatives de lumières & d’ombres, bien ménagées, allongent un terrein, en dessinent les plans & les inégalités, & mettent une distance immense entre l’œil du spectateur & le fond du tableau.

Pour vous mieux faire appercevoir ce que je veux vous exprimer, souffrez que je vous propose l’examen des paysages de Paul Bril, qui me semble avoir merveilleusement bien entendu l’art de distribuer sa lumiére pour la distinction de ses plans. Permettez moi aussi de vous nommer un autre Peintre de Paysages que j’ai connu autrefois à Rome, & qui a si bien ; peint les effets du Soleil levant, c’est Claude Le Lorrain : les tableaux sont des images parfaites de la nature ; on y voit luire