Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/273

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
132 CON CON


où le site soit au moins indiqué, où l’on reconnoisse déjà l’effet général de la lumière large ou resserrée, où les principales figures soient au moins convenablement placées. Quand on sera ainsi parvenu à se rendre compte de tout son sujet, de ses convenances, de ses accessoires, on sera une dernière esquisse qu’on pourra regarder comme le modèle du tableau projetté, & qui semblera ne devoir subir d’autres changemens que ceux qu’indiquera l’étude de la nature pour chaque figure & potirles draperies.

De grands peintres, entre lesquels on compte le Poussin & Paul Veronèse, modeloient en cire les figures de leur sujet, les grouppoient convenablement, & tournant ensuite autour de cette composition en relief, ils en choisissoient l’aspect le plus pittoresque. Cette méthode est encore utile pour établir avec certitude les ombres & la lumière, pour s’assurer que, dans le tableau, tout sera conforme à la nature.

Il est inutile d’avertir qu’un seul sujet doit être representé dans un seul tableau. Aucun peintre n’imitera sans doute Paul Véronèse qui, dans la partie droite d’un de ses tableaux, a représenté Jésus-Christ bénissant l’eau dont il va être baptisé par Saint-Jean, & dans la partie gauche, Jésus-Christ tenté par le diable. Il faut tans doute rejetter le ridicule de cette composition sur ceux qui la demandèrent au peintre de Vérone. On trouve aussi des exemples de duplicité, & même de triplicité de sujets dans des bas-reliefs antiques. Il faut, pour que le sujet soit tellement un, que tout y appartienne, & si le peintre se permet quelques épisodes, il faut du moins qu’ils y soient lies, & qu’on reconnoisse, si on les en détachoit, qu’ils ne sont pas un tableau, mais seulement une partie subordonnée d’un tableau. Boileau a dit en critiquant une tragédie de Quinaut : chaque acte en sa pièce est une pièce entière. On ne cririqueroit pas moins justement un tableau dont chaque grouppe seroit un tableau entier. Le Poussin paroît avoir mérité ce reproche dans son tableau de la guérison du paralytique : le grouppe, représentant un vieillard qui donne l’aumône à une femme, est entièrement étranger au sujet, n’y est aucunement lié & n’y fait pas même la plus légère attention. On peut l’en détacher & ce sera un tableau entier. On a fait la même critique de la célèbre transsiguration de Raphaël. La partie supérieure du tableau, & sa partie inférieure, sont deux sujets & deux tableaux différens ; mais ce défaut est bien compensé par l’extrême beauté du tableau inférieur.

On ne peut donner un principe général sur la place que doit occuper le principal grouppe, la principale figure ; mais quelque place que l’artiste juge à propos de lui donner, tout doit tendre vers cette figure, tout doit y rappeller ; l’effet général, dont elle est la cause & l’objet,


toutes les parties enfin de l’ensemble. Telle est la seule loi rigoureusement obligatoire de la composition pittoresque. Si rien n’engage à prendre un autre parti, la figure principale doit être au centre & plus élevée que les figures subordonnées qui l’environnent. Ce n’est point une règle, mais une convenance sujette à des exceptions. Si un peintre avoit à représenter un roi charitable, qui s’incline pour panser lui-même un malade, pourroit-on le condamner parce que sa figure principale seroit la moins élevée de sa composition, lorsque d’ailleurs tout rappelleroit à cette figure. Jésus-Christ ayant un genou en terre & le corps incliné pour laver les pieds des apôtres, ou pour écrire sur le sable, est toujours la principale figure, quoique les autres soient plus élevées & plus développées.

On n’établira ni le nombre de grouppes qui doivent entrer dans un tableau, ni le nombre de figures qui doivent composer chaque grouppe. Il suffira de dire que les différens grouppes doivent être variés entr’eux dans leurs formes, dans leurs mouvemens, & même en général dans le nombre des figures, parce que la nature elle-même donne ordinairement l’exemple de cette variété, & parce que l’artiste marqueroit peu de ressources s’il étoit réduit à se répéter dans le même quadre.

Il y a pour les grouppes des préceptes d’école, qu’il faut connoître sans les recevoir comme des loix. Ces règles ont leur mérite & leurs avantages ; mais elles n’ont pas le droit d’asservir le génie, & doivent céder souvent à d’autres convenances. « Un des principaux objets de la liaison des grouppes, dit M. Dandré Bardon, est de conduire l’œil du spectareur sur le héros du sujet. Il convient que cette opération se fasse par une marche diagonale ; les procédés par lignes horizontales out paralleles à la bordure du tableau, produisent rarement des aspects pittoresques. »

On sent que cette marche diagonale, qui conduit à la principale figure, tend à donner à toute l’ordonnance pittoresque une forme pyramidale qu’on a grand soin aussi de recommander, & qu’on n’est pas non plus étroitement astreint d’observer. Ajoutons qu’on doit la déguiser même à l’instant où on l’observe, ensorte que l’ordonnance ne devienne pas une pyramyde parfaite, & que l’art dissimulé semble un effet de la nature.

En général on doit éviter que chaque grouppe, ou le total de la composition décrive une figure régulière, & trace une ligne horizontale ou perpendiculairement au-dessus d’une autre ; que les figures, les jambes, les bras décrivent des lignes paralleles ; que la distance soit parsaitement égale entre les différentes figures ou entre leurs parties ; que les membres semblables se trouvent dans une même position, ou présentent