Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/284

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
CON CON 143


mot n’entraîne que l’idée simple du trait qu’on employe à cet usage & tel qu’il doit être employé. Contourner a un sens qui annonce un défaut : car lorsqu’on dit, une figure contournée, on peut entendre que le contour de cette figure a de l’affectation, qu’il est tourmenté, qu’il s’éloigne enfin de la simplicité de la nature. On ne diroit pas que Raphaël contourne ses figures, mais l’on dit avec raison que nul dessinateur n’a donné à ses figures des contours plus purs & plus élégans que lui. Je ne conçois pas assez clairement la cause de cette différence d’acception, pour hazarder de la faire connoître ; mais il est nécessaire de l’établir pour être utile à ceux qui veulent parler avec justesse le langage de l’Art, & comprendre ce que disent les bons Auteurs ou les Artistes qui s’expriment avec précision.

Pour revenir au mot contour, il signifie donc, dans la figure vivante ou de ronde-bosse, l’extrêmité des surfaces apperçues dans un point de vue fixe où l’on est placé pour les observer & les étudier. Le contour d’une figure, d’un membre, d’une partie de quelqu’objet naturel ou d’une imitation en ronde-bosse, varie au moindre déplacement de l’objet fixé par le regard, ou da l’œil qui le fixe. Il n’en est pas de même du contour de la figure tracée, dessinée & peinte. Le contour alors est fixe, invariable ; & c’est d’après l’observation qu’on en fait qu’il est plus facile de l’apprécier, d’en appercevoir les défauts ou d’en sentir les beautés.

La justesse, la correction, la noblesse, l’élégance, la grace, la force, l’énergie, sont des caractères différens par lesquels on désigne le contour ou les contours des figures, soit dans les dessins, soit dans les tableaux. Il n’est pas inutile de faire sentir ici, avant d’entrer dans quelques détails sur les caractères que j’ai désignés, combien, à l’égard des contours, la Sculpture a plus de difficultés que la Peinture, non que je veuille ici établir de prééminence entre les deux Arts. Ce projet, tenté plus d’une fois, soit de bonne soi, soit par jeu d’esprit, n’a aucune utilité, est impossible à exécuter & ne sert de rien au progrès des Arts & des connoissances. Il y a dans la Peinture des difficultés à surmonter qui n’existent point dans la Sculpture, puisque la couleur, l’harmonie du clair-obscur, les ordonnances ou compositions dans lesquelles il entre un grand nombre d’objets, ne sont pas de son ressort. Mais pour me borner au sujet de cet Article, les contours de chaque objet que représente la Sculpture doivent avoir à l’œil qui se promène autour d’une figure représentée, toutes les perfections auxquelles le Dessinateur & le Peintre ne sont astreints que pour le seul point de vue sous lequel ils présentent l’objet qu’ils dessinent ou qu’il peignent. Si le Peintre a réussi à rendre ce


contour exact, correct, & s’il n’a rien omis des beautés qui lui appartiennent, ce succès suffit. Le spectateur, en changeant de place & de point-de-vue, n’exige pas davantage. Ainsi le Peintre n’est pas obligé, comme le Statuaire, de promener, pour ainsi dire, la correction, la beauté, la grace, dans tous les points-de-vue de son ouvrage, où l’observateur peut s’arrêter en tournant autour de sa figure.

C’est donc en quelque sorte principalemunt pour le Sculpteur statuaire que les contours sont un objet d’attention, d’études & de difficultés toujours renaissantes. Cette observation n’ôte rien au mérite que le Dessinateur & le Peintre peuvent acquérir par la science approfondie des contourscar si, d’un côté, ces Artistes ne sont tenus de présenter chaque figure qu’ils créent que sous un seul point de vue, ce qui réduit à un seul élément, pour parler ainsi, le problême qu’ils avoient à résoudre, d’un autre côté, qu’elle multitude de figures différentes ne sont-ils pas obligés de produire souvent dans un même ouvrage, en comparaison du Sculpteur, dont les compositions sont bornées à deux, trois ou quatre figures tout-au-plus ? Le Peintre d’Histoire est obligé, en quelque sorte, de représenter souvent dans un seul tableau la figure humaine sous une infinité de points de vue, dans chacun desquels on exige autant de perfection que dans la figure de ronde-bosse.

Je vais tracer actuellement avec le plus de clarté & le moins d’étendue qu’il me sera possible quelques notions des différens caractères que j’ai énoncés relativement aux contours. On dit d’un contour qu’on veut louer, qu’il est juste, exact, correct, pur, décidé, ferme, sévère, simple, grand, prononcé, articulé, liant, ondoyant, & c..

On exprime les défauts contraires à ces beautés par des épithétes contraires à celles que je viens d’offrir, telles que faux, inexact, incorrect, sans pureté, indécis, mol, libre ou libertin, manièré, petit, mesquin, hésité, sans caractère, heurté, sec.

Il est nécessaire, pour l’intelligence plus parfaite & pour la brièveté des notions que je vais donner, d’observer que toutes les sortes de contours dont j’ai parlé & sur lesquels je vais m’étendre un peu plus, sont ceux que le Dessinateur ou le Peintre exécutent, lorsqu’ils imitent la figure humaine, ou la bosse, ou des dessins donnés peur modèle.

Un contour juste est donc (dans les Arts du Dessin) celui qui imite avec précision l’extrêmité des formes d’un objet observé d’un certain point fixe. La justesse exprime la fidélité de l’imitation, indépendamment des autres perfections théoriques ou pratiques de l’Art ; ainsi l’on peut tracer uncontour très-juste d’une figure imparfaite ; & quoique cette justesse ne produise pas alors une imi-