Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/300

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
COU COU 159


en grandes masses qui se prêtent une valeur mutuelle, les clairs & les bruns, les jours & les ombres.

Si l’on borne la doctrine du clair-obscur à l’incidence des lumières & des ombres, elle se réduit à savoir quelle ombre doit recevoir & porter un corps placé sur un certain plan & exposé à une certaine lumière. Ce n’est point un art, c’est une pratique soumise à la démonstration, qui se fait en tirant des lignes du corps lumineux, sur le corps éclairé.

La théorie du clair-obscur porte sur un plus grand nombre d’observations. Nous allons les rapporter ici d’après le célèbre Mengs.

1°. Si vous présentez un corps sphérique à la lumière, elle frappera sur la partie saillante & glissera sur les parties fuyantes, se dégradant toujours jusqu’à la partie ombrée. Dans cette partie, la plus grande obscurité ne sera pas sur l’extrêmité. La lumière suit les mêmes loix sur les corps, qui, sans être parfaitement sphériques, tendent cependant à une forme ronde.

2°. La lumière rejaillit de l’objet qu’elle éclaire sur celui qui l’avoisine. Ainsi’ l’extrêmité de la partie ombrée est la moins obscure, parce qu’elle recoit la lumière réfléchie de l’objet qui l’approche. Une ombre également forte dans toute son étendue ne représenteroit donc pas une ombre, mais un trou dont aucun reflet ne diminueroit nulle part l’obscurité.

3°. Un corps entreposé entre un autre corps & la lumière empêche qu’elle n’y parvienne, & le couvre de son ombre.

4°. La lumière dl plus étroite, mais plus vive sur un corps poli ; elle est plus foible, mais plus large sur un corps poreux & raboteux, parce que chaque partie de ce corps a une saillie qui reçoit la lumière & la reflette sur les parties voisines.

5°. L’air est un corps composé d’un grand nombre de parties subtiles qui se remplissent de lumière & qui en éclairent, quoique plus foiblement, les corps qui ne sont pas frappés de la lumière principale.

6°. L’air étant un corps, diminue la lumière & la couleur de l’objet en proportion de la quantité dans laquelle il se trouve entre l’objet & l’œil. Ainsi en proportion qu’un objet est plus éloigné de l’œil, sa lumière est plus vague, sa couleur plus foible, sa forme plus indécise. C’est sur cette observation qu’est fondée la théorie de la perspective aërienne. Comme la dégradation est plus ou moins rapide, suivant que l’air est plus ou moins chargé de vapeurs, cette théorie ne peut être soumise à des principes invariables.

I1 résulte de la première observation que la figure sphérique, la plus amie de l’œil par sa forme continue qui n’offre aucun angle, au-


cune aspérité, est aussi la plus favorable à l’harmonie, puisque la lumière s’y dégrade par des nuances insensibles jusqu’à l’ombre la plus forte, & que l’ombre y éprouve la même dégradation depuis sa plus grande obscurité jusqu’au reflet. Cette vérité conduit à une autre ; c’est que la nature s’est plue à répandre l’harmonie sur les corps qu’elle a créés, en leur prodiguant les formes arrondies. On trouve cette forme dans les corps des animaux, & même dans chacun de leurs principaux membres. C’est aussi celle des plantes dans leurs tiges & dans la masse de leurs feuilles. L’art profite avantageusement de cette leçon de la nature, en arrondissant, quand le sujet le permet, la composition générale, & les grouppes particuliers. La pratique la plus ordinaire, est de donner à l’ordonannce une forme concave.

Les lumières différentes dont les corps peuvent être éclairés, causent des différences dans les effets du clair-obscur. Les corps peuvent recevoir la lumière du soleil, celle du feu, ou celle de l’air. Les peintres choisissent plus ordinairement la dernière, & c’est avec raison, puisqu’ils n’ont pas dans leurs matériaux de clair assez vif pour rendre l’éclat que procure la lumière du soleil aux objets qu’il frappe immédiatement de ses rayons. Encore moins seroit-il possible de rendre le corps du soleil lui-même, à moins que de le supposer enveloppé de vapeurs.

On employe de deux façons la lumière de l’air. On la nomme lumière serrée, lorsqu’elle vient d’une ouverture quelconque, comme celle d’une fenêtre : elle est de la même grandeur que l’ouverture d’où l’on suppose qu’elle se répand, & n’est pas plus éloignée que cette ouverture. La lumière ouverte est ; celle d’une pleine campagne, lorsque le soleil est couvert de nuages, ou, ce qui revient au même, lorsqu’un objet fort éloigné & hors du tableau, est censé priver le lieu de la scêne, de la lumière du soleil. Dans ces deux cas, la lumière vient du côté où est le soleil, quoiqu’il ne soit pas visible. La lumière ouverte est moins favorable à l’art que la lumière serrée, parce que toute la masse de l’air se trouve également éclairée. C’est une difficulté que les peintres doivent s’accoutumer à vaincre puisqu’un grand nombre de sujets les obligent à la surmonter.

Les ombres des corps qui reçoivent la lumière par une ouverture plus grande que ces corps, dit le même artiste, que nous continuons de suivre, se resserrent & se perdent plus ou moins promptement suivant la grandeur de la lumière. Les corps exposés à une lumière ouverte, sans soleil, ont à peine des ombres, & ne privent que foiblement de clarté les objets qui sont près d’eux, parce que toute la