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est le but de la peinture, unit indissolublement l’imitation des formes des objets & l’imitation de leur couleur. Vouloir décider d’une manière abstraite quelle est de ses deux parties la plus essentielle à l’art, est la même chose que de vouloir decider si c’est l’ame ou le corps de l’homme qui est le plus essentiel à son existence.

Pour parvenir à bien dessiner, il faut avoir de la justesse dans les organes qu’on employe & les former par l’exercice & l’habitude, c’est-à-dire, en dessinant très-fréquemment.

C’est par le dessin qu’on commence à s’initier dans les mystères de la peinture ; & ceux qui s’y destinent, ou qu’on y dévoue, commencent & doivent commencer à dessiner dès leur première jeunesse, parce qu’alors la main docile acquiert plus aisément la souplesse & les différens mouvemens qu’exige ce genre de travail. L’usage a établi une méthode de procédés que je dois exposer.

Les premiers essais se bornent à tracer des lignes paralleles en tout sens avec un crayon, qui, le plus ordinairement, est un morceau de sanguine, c’est-à-dire, d’une pierre rouge, assez tendre pour être taillée en pointe, & qu’on enchasse dans un porte-crayon. Ce porte-crayon, long d’environ un demi-pied, est un tuyau ou tube de cuivre, à-peu-près gros comme une forte plume. Il est fendu par les deux bouts de la longueur d’un pouce & demi, pour qu’il puisse plus aisément recevoir en s’accroissant, autant qu’il est besoin, le crayon qu’on y insère. Lorsqu’on a inséré le crayon dans le tube, ou porte-crayon, on l’y arrête au moyen d’un anneau qui, à chaque bout, glissant le long du porte-crayon, vient serrer les parties fendues qui embrassent le crayon.

Lorsque le porte-crayon est armé du morceau de sanguine, ou de quelqu’autre matière propre à tracer, on aiguise une dernière fois avec un canif le crayon qu’on est prêt à mettre en usage : après quoi l’on pose dans ses doigts le porte-crayon comme on tient une plume, à cela près que les doigts qui tiennent le porte-crayon sont placés vers le milieu de sa longueur, au lieu que pour écrire on tient la plume vers son extrémité taillée. Une autre différence, c’est qu’on tient la plume avec les trois premiers doigts étendus, & que pour dessiner on tient le porte-crayon de deux doigts seulement, & que le doigt du milieu fait une courbure pour le soutenir.

Il faut observer encore que les traits qu’on se propose de former étant assez ordinairement de plus grande dimension que les lettres, on ne doit pas se borner à ce que peut donner d’étendue au crayon le développement des jointures des doigts, en supposant le poignet arrêté ;


mais qu’il faut due le poignet, devenu lui-même souple & mobile, glisse sur le papier, & parcoure, en se portant de côté & d’autre sans roideur, l’étendue des traits qu’on se propose de former. Cette manière de se servir du porte-crayon, est d’autant plus essentielle, que l’on doit avoir grand soin de commencer par copier des dessins, dont la grandeur des contours & des hachûres développent la main.

Les premiers dessins qu’on fait imiter au jeune élève sont ordinairement ou doivent être, autant qu’il est possible, ceux qu’un habile maître a faits lui-même d’après nature, soit pour son étude, soit avec le but de les faire servir de modèles à ceux qu’il instruit.

On doit faire dessiner chaque partie du corps au jeune dessinateur pendant long-tems, avant de lui permettre de dessiner une figure entière. Il faut le plier à dessiner ces parties dans de grandes dimensions, & tout au moins de grandeur naturelle ; premièrement, pour qu’il en connoisse mieux les formes & les détails, secondement, pour l’habituer à imiter la naturetelle qu’on la voit.

Après avoir long-tems dessiné plusieurs parties, telles que des nez, des yeux, des oreilles, des bouches, sous tous les aspects dont ces parties sont susceptibles, on fait dessiner à l’élève une tête entière, & cette étude qui réunit dans un ensemble les parties sur lesquelles l’élève s’est déjà exercé, doit faire son occupation journalière & habituelle, jusqu’à ce qu’enfin il parvienne à copier facilement & juste tous les dessins de ce genre qu’on lui donne pour modèles. C’est pendant qu’il est occupé de cette étude que je souhaiterois qu’il pût lire une sorte de cathéchisme court, bien clair, qui lui donnât des idées simples & justes de ce qu’il entreprend, c’est-à-dire de ce qu’est le relief ; de l’existence nécessaire des ombres, lorsque le relief est éclairé ; de la relation qu’ont les hachures avec ces ombres, & que les traits ont avec la forme ou figure des objets ; de la relation enfin qu’a la touche avec les accidens du trait qui, selon ses courbures ou directions, est tantôt éclairé, tantôt dans l’ombre & plus ou moins, suivant sa position, relativement à la lumière.

Il faudroit joindre à ces moyens d’instruction, celui de faire copier à l’élève le dessin anatomique de la tête qu’il imite, dans la même proportion que cette tête, pour que le dessinateur s’habituât, comme machinalement, à ne pas dessiner l’extérieur, sans avoir présente l’idée de ce qui se trouve sous la première surface.

Ce sont les os qui décident en grande partie, & tout au moins d’une manière précise, les formes extérieures. Lorsqu’on connoît bien la structure des os, leurs plans, leurs charnières, la manière dont ils se meuvent, on est bien


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