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naître dans le tems qu’il appelle ingénieusement l’enfance de l’art. Il commença par copier exactement la simple vérité. S’il ignorait encore que, dans ce qui est vrai, il y a un choix à faire, il vit les ouvrages de Léonard de Vinci, de Massacio, de Michel-Ange, & son génie prit un nouvel essor. Il conçut alors que l’art est quelque chose de plus qu’une simple imitation de la vérité. Mais les ouvrages des maîtres qui venoient de lui ouvrir les yeux, n’étoient pas encore d’une assez complette perfection pour lui indiquer le meilleur choix qu’il pût faire ; il nageoit dans l’incertitude, quand il vit à Rome les ouvrages des anciens. Alors il reconnut qu’il avoit trouvé les vrais modèles qu’il cherchoit, & il n’eut plus qu’à suivre l’heureuse impulsion de son caractère. Il ne se contenta pas d’étudier les antiques qui étoient à Rome ; il entretint des gens qui dessinoient en Grèce & en Italie ce qu’ils pouvoient découvrir des ouvrages des anciens.

Habitué par sa premiere maniere à imiter la nature avec précision, il ne lui fut pas difficile de porter la même exactitude dans l’imitation des antiques, & ce fut un grand avantage qu’il eut sur les siècles où les artistes devenus plus praticiens, sont, parvenus à imiter tout avec une grande facilite, & rien avec une exactitude rigoureuse. Il n’abandonna pas la nature, mais il apprit des anciens comment elle doit être choisie & étudiée. Il reconnut que les Grecs ne l’avoient pas suivie dans les petits détails, qu’ils n’en avoient pris que ce qu’elle a de plus nécessaire & de plus beau ; & qu’une des principales causes de la beauté de leurs ouvrages consiste dans la régularité des proportions : il commença donc par s’attacher à cette partie de l’art. Il vit aussi que dans la charpente du corps humain, l’emmanchement des os & le jeu libre de leurs articulations sont les causes de la grace des mouvemens ; il fit, à l’exemple des anciens, la plus grande attention à cette partie, & fut conduit par ces observations à ne pas se contenter de la simple imitation du naturel.

Son dessin est très-beau, mais il n’a pas le fini ni la perfection de celui des Grecs, & en l’admirant, on est obligé de convenir qu’il n’a pas eu des idées aussi précises de la véritable beauté : il a excellé dans le caractère des Philosophes, des Apôtres & : des autres figures de ce genre ; mais il n’a pas eu un succès aussi complet dans les figures divines. On peut même lui reprocher qu’en peignant les femmes, il a abusé des contours convexes & arrondis ; ce qui l’a fait tomber dans une sorte de pesanteur. Quelquefois aussi, en voulant éviter ce défaut, il est retourné au style sec & roide.

Son goût de dessin fut plutôt Romain que Grec, parce que c’étoit principalement d’après les bas-reliefs qu’il étudioit l’antique. C’est de-là qu’il a pris l’habitude de faire sentir


fortement les os & les articulations & de moin travailler les chairs. Mais comme ces bas-reliefs sont fort beaux par rapport à la convenance des proportions réciproques de chaque membre, il a excellé dans cette partie, sans donner cependant en général à ses figures toute l’élégance qu’on remarque dans celles des artistes Grecs, & sans montrer même dans leurs articulations toute la flexibilité qui se fait admirer dans le Laocoon, dans l’Apollon du Belveder, & dans le Gladiateur.

Il s’est trouvé plus foible, ajoute le même admirateur & le même critique de Raphaël, lorsque l’antique lui a manqué, comme on le voit par les mains de ses figures, parce qu’il reste peu de mains antiques, ces parties ayant été détruites dans la plupart des statues que le tems a respectées. Il a aussi donné à ses enfans un caractère trop sage & trop grave, & ne leur a pas imprimé cette morbidesse & ce potelé que demande la nature enfantine. Il lui manque aussi la grandiosité & la noblesse des anciens, & il ne s’est pas élevé dans cette partie au dessus de Michel-Ange ; on peut ajouter qu’il n’a pas aussi bien possedé que ce Maître la parfaite connoissance des muscles.

Il n’a pas égalé les Grecs dans les figures idéales qui doivent porter l’empreinte de la divinité. Le Christ n’est chez lui qu’un mortel ordinaire. Il est bien éloigné de la beauté divine de l’Apollon. Ses Vierges sont belles par l’expression ; mais elles le cedent par la beauté des formes à plusieurs têtes antiques. Ses figures du Pere Eternel portent le caractère de la débilité & du déclin de l’âge : elles ne donnent pas l’idée d’une nature impérissable. On pourroit même montrer dans ce genre de plus beaux modèles vivans. Elles sont loin d’avoir la beauté divine de quelques têtes antiques de Jupiter.

S’il ne s’éleva pas jusqu’à l’idéal de ; anciens, c’est que les mœurs & l’esprit de son siècle, & les sujets qu’il avoit à traiter le lui permettoient rarement. N’ayant que peu d’occasions de représenter des figures purement idéales, il se livra à la pureté de l’expression, &, il y étoit naturellement entraîné par la modération de son caractère & par un esprit élevé & actif qui lui présentoit toujours de grandes idées : il reconnut que l’expression des passions de l’ame, est l’une des premières parties d’un art qui doit représenter les actions des hommes, puisque ce sont ces affections qui causent les actions. Faire agir des figures & négliger de représenter leurs mouvemens intérieurs, ce n’est plus mettre en action des personnages animés, mais faire jouer des automates. On voit bien qu’ils ont les attitudes de l’action, mais on voit aussi qu’ils n’agissent pas d’eux-mêmes, parce qu’on ne remarque pas en eux un principe