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ft3 tf ECO où vivoit l’artiste qu’un vice qui lui fût particulier. Ses tableaux en général sont bien peints, & le fini le plus soigné n’y nuit pas à la légèreté de la touche. Sa couleur est fraîche, ses compositions riches, ses ordonnances variées, ses paysages bien touchés.

Le travail opiniâtre de Lucas fut récompensé par la fortune. Il fit somptueusement le voyage de la Flandre & de la Hollande pour voir les artistes dont, il ne connoissoit que les talens, & leur donna des fêtes à Middelbourg, à Gand, à Malines, à Anvers. On croit que des peintres jaloux de sa réputation l’empoisonnèrent à Flessingue ; on fait du moins qu’il ne mena depuis qu’une vie languissante ; mais le véritable poison qui lui donna la mort fut peut-être l’application excessive qu’il avoit prise dès son enfance. L’état de langueur auquel il étoit réduit ne put le forcer au repos, & quand il n’eut plus la force de se lever, il continua ses travaux dans son lit. Il mourut en 1533, à l’âge de trente-neuf ans, n’ayant joui que d’une courte vie si on la mesure au nombre de ses années, mais d’une vie fort longue si on la mesure au nombre de ses ouvrages. Quoique la nature ne lui ait guère accordé que la moitié de la vie ordinaire des hommes, il exerça pendant trente ans ses talens déja formés, & c’est à-peu-près tout le temps que consacrent à leur art les artistes même qui parviennent à la vieillesse.

Si l’on considère la peinture en petit comme un des caractères particuliers de l’École Hollandoise, on pourra regarder : comme son fondateur CORNEILLE POLEMBOURG né à Utrecht en 1586 & mort en 1661. Il possédoit la couleur, la finesse de touche, l’entente du clair-obscur qui distiguent cette école. On peut ajouter à ces caractéres le peu de correction dans le dessin.

Mais si le choix d’une nature basse entre dans les caractères du style Hollandois, on trouvera ce caractères bien marqué dans le célèbre REMBRANDT VANRYN, & il y est d’autant plus choquant que souvent ses compositions autoient exigé de la noblesse. Il étoit fils d’un meunier, & naquit dans un moulin situé près de Leyde fur les bords du Rhin, ce qui lui a fait donner le nom de Vantyn au lieu de celui de Guerretz, qui étoit le nom de sa famille.

Son père qui lui trouva de l’esprit voulut le consacrer aux lettres, & le’envoya faire ses études à Leyde : mais le jeune Rembrandty fit peu de progrès. Son goût le portoit vers le dessin, & il obtint de quitter l’école latine peur une école de peinture. On n’est pas d’accord sur les artistes qu’il eut pour maîtres, ou plutôt ses véritables maîtres furent ses heureuses dispositions & la nature.

C’étoit elle seule qu’il consultoit : le moulin de son père étoit son attelier, les gens du peuple qui y fréquentoient, ses modèles, & la sorte d’éducation qu’il recevoit au moulin, le terme de ses idées. Il étudioit la figure grotesque d’un bon paysan de Hollande, ou celle d’une grosse servante de taverne, comme les grands maîtres de l’Italie ont étudié l’Apollon du Belvedère ou la Vénus de Médicis. Ce n’étoit pas le moyen de s’élever aux nobles conceptions de Raphael, c’en étoit un de parvenir à l’imitation du vrai dans le genre populaire.

La réputation quelquefois si difficile à acquérir, & qu’on voit trop souvent se refuser au mérite s’il n’est pas secondé par l’intrigue, vint avec la fortune le chercher dans son moulin. Souvent appellé à Amsterdam pour y faire des portraits, il alla s’établir dans cette ville, & y fut surchargé d’ouvrages & d’élèves.

Mais en changeant de résidence, il conserva sa manière de vivre, ne fréquenta que des gens du peuple, ne chercha de récréation que dans la crapule, ne vit dans l’argent que lui rapportoient ses travaux que le plaisir d’en amasser choisit une jolie paysanne pour la compagne de sa vie. Ainsi, ses idées sur son art, restèrent les mêmes que celles qu’il avoit conçues au moulin de son père. Il s’occupa toujours de l’imitation de la nature basse dont il aimoit à s’entourer, & ses caprices furent pour lui l’idéal de l’art. Il ne connossoit guère de l’antique que le nom, & ne prononçoit ce nom que pour s’en mocquer. Il rassembloit de vieilles armures, de vieux vêtemens étrangers ou bizarres, dont il se plaisoit à affubler plutôt qu’à draper ses modèles, & il appelloit cela ses antiques.

Mais laissons parler sur cet article un homme de l’art, M. Descamps, qui a vu un grand nombre d’ouvrages de ce peintre. « Tout ce que Rembrandt a composé, dit-il, est sans noblesse : c’étoit un génie plein de feu qui n’avoit aucune élévation. Ses habillemens ne sont que bizarres, & plus ressemblans à une mascarade qu’à ceux des nations qu’il a voulu représenter. Il n’a pas fait autant de tableaux d’histoire que de portraits, & les tableaux d’histoire que nous connoissons de lui sont la plupart aussi ridicules aux yeux des savans qu’ils sont admirés par les peintres. »

« Si l’on en excepte ses portraits, sa façon de dessiner n’est guère supportable ; encore n’en faisoit- il bien que les têtes, & il sentoit si bien son incapacité à dessiner les mains, qu’il les cachoit le plus qu’il pouvoit. Pour éviter la difficulté, j’ai vu de sest ableaux où quelques traces de brosse, qu’on ne distingue pas trop de près, représentent à une certaine distance des mains, à la vérité peu décidées, mais qui font cependant presqu’autant d’effet que si le peintre y avoit mis plus de soin. Ses têtes de femmes n’ont assurément pas les graces du beau sexe. Quand il a essayé des figures nues, il n’y a mie aucune correction ;