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ÉLÉ EMP 245

Sur-tout, il faut le garder de souffrir que les élèves ne dessinent pas le nud tel qu’ils le voyent, & se contentent d’en représenter seulement l’attitude. Trop souvent ils se piquent d’en changer telle ou telle partie pour la faire ressembler à l’idée qu’ils se sont formée de la beauté, & représentent plutôt le modèle tel qu’ils croyent qu’il devroit être que comme il est en effet. C’est ce qui a le plus retardé les progrès d’un grand nombre de jeunes gens qui d’ailleurs ne manquoient pas de génie ; & le danger est d’autant plus grand, que les élèves ont plus de cette sorte de dispositions qui conduit à la facilité.

L’habitude de dessiner correctement les objets tels que nous les voyons, nous rend propres à bien dessiner dans la suite même ceux que nous imaginons. Copier le nud avec une serupuleuse exaélitude, c’est acquérir l’habitude d’être ; correct & précis ; c’est faire sans cesse de nouveaux progrès dans la connoissance de la figure humaine ; c’est se ménager le moyen d’en exprimer les beautés, & de s’élever jusqu’à celles de l’antique, & à ce que l’imagination peut concevoir de plus parfait dans l’idéal de l’art. De cette manière lente de procéder, résultera dans la suite la faculté de donner aux ouvrages les plus étudiés, les plus finis, la grace & le sentiment de la facilité : nous ne parlons pas de cette facilité dangereuse qui ne procède que d’une adresse purement manuelle, mais de celle que donne la science de ce que l’on fait. Les anciens ne sont parvenus à cette facilité, la seule qui fait louable, que par une étude attentive de la figure humaine ; c’est par les mêmes travaux que les modernes parviendront au même but.

Les grands maîtres de l’art portoient si loin leur exactitude à copier ce qu’ils voyoient, que l’on connoît des dessins que fit Raphaël pour les premières études de ses tableaux, où l’on voit les figures coëffées du bonnet que portoient les modèles ; des exemples d’une semblable exactitude se trouvent dans des dessins du Carrache. C’est en abandonnant cette utile ponctualité, que les écoles modernes ont perdu ce qui fit la gloire des grands artistes.

Il seroit à souhaiter que ces préceptes de l’habile professeur retentissent dans toutes les écoles, & dirigeassent les leçons de tous les maîtres & la pratique de tous les eléves. Un des grands défauts de ceux-ci, c’est de vouloir être des maîtres lorsqu’ils sont à peine entrés dans l’école ; de n’avoir de confiance ni dans les leçons, ni dans les exemples ; de prétendre, en copiant, faire mieux que ce qu’ils copient ; de chercher dans la bosse ce qu’ils ne trouveront que dans le modèle vivant, & de vouloir corriger les formes du modèle vivant lorsqu’ils ne connoissent pas encore la nature ; d’affecter


ce qui est le résultat de la facilité avant d’avoir acquis de la pratique, & ce qui est le résultat du savoir, avant d’avoir eu le temps d’apprendre ; de faire des esquisses avant d’être capables de rien finir, d’étudier tous les maîtres à-la-fois avant d’avoir compris les principes d’un seul, enfin de viser à tout ce qui, dans des commencemens, est le moyen de n’atteindre à rien.

Les heureuses négligences, les rêves, les rapides conceptions d’un maitre, ne conviennent pas à l’âge qui doit être consacré à la pénible exactitude, s’il veut parvenir à l’exactitude facile. Ce n’est pas à manier facilement le crayon & le pinceau que doit s’appliquer un élève, c’est à rendre avec précision les contours & les milieux. Peu importe que son trait soit fin, que son crayon soit moëlleux ; mais il importe beaucoup que son trait soit juste, que les formes soient accusées à leurs places. Il ne doit pas chercher les qualités brillantes de l’art, lorsqu’il n’en connoît pas encore les qualités constitutives. Son but ne doit pas être d’éblouir, mais d’étudier. Si son étude est bientôt finie, elle n’est sûrement pas assez recherchée, assez terminée ; il s’y est trop peu arrêté, pour qu’elle laisse dans son esprit des idées utiles & durables ; il en tirera peu de fruit. Le maître qui veut que ses elèves étonnent par leur adresse, ne formera pas de grands maîtres. (Article de M Levesque.)

EM

EMBU (part. passif) se dit d’un tableau lorsque les couleurs à l’huile, avec lesquelles on peint, deviennent mattes & perdent leur luisant, au point qu’on ne discerne pas bien les objets.

Lorsqu’on peint sur un fond de couleur qui n’est pas bien sec, les couleurs qu’on met dessus s’emboivent en se séchant. Alors l’embu provient de l’impression trop fraîche de la toile ou du panneau. Il peut aussi venir de ce qu’on repeint sur une préparation qui n’a pas eu le temps de le sécher parfaitement. On remédie à cet inconvénient, lorsque ce qu’on a peint est bien sec, en passant par-dessus un blanc d’eeuf battu ou du vernis. (Article de l’ancienne Encyclopédie.)

EMPATER signifié mettre beaucoup de couleur, soit en une fois, soit en plusieurs, sur ce qu’on peint. On dit, ce tableau est bien empâté, bien nourri de couleur.


Empâter se dit encore lorsqu’on met les couleurs sur un tableau, chacune lieu à la place qui convient, sans les mêler ou les fondre ensemble : on dit, cette tête n’est qu’empâtée. (Article de l’ancienne Encyclopédie.)