Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/392

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
NC ENF 251


lument la nature. Mais si l’anonyme avançoit que la peinture au savon est une invention aussi nouvelle que la peinture en ramekin ou en fromage ([1]), l’auteur se tromperoit moins au désavantage de M. Bachelier. Ce dernier n’a rien renouvellé des Grecs comme nous le démontrerons, sa découverte a plus de mérite, puisqu’elle a du moins celui de l’originalité.

La brochure dont nous venons de rendre compte n’eut pas été plutôt rendue publique, qu’elle fut appréciée à sa juste valeur. M. Fréron la critiqua très-judicieusement dans son année littéraire, demontra, comme nous venons de le dire, que l’historique de cet ouvrage ne pouvoit être vrai, & que la découverte de la peinture au savon de cire n’enrichissoit point l’art de peindre. M. Fréron cependant ne pouvoit pas porter de jugement sur ce que l’anonyme annonçoit des moyens que MM. Caylus & Majault avoient employés pour peindre à l’encaustique, puisqu’ils n’avoient pas encore été rendus publics ; aussi n’avança-t-il sur ce point que de prudentes conjectures. Mais M. Fréron eut bien lieu d’être satisfait, lorsque trois mois après sa critique, il ne trouva rien de ce que l’anonyme avoit avancé : il vit, au contraire, dans l’ouvrage de M. de Caylus, un raisonnement méthodique & suivi, appuyé d’expériences ingénieuses & très-propres à développer le peu de choses que les anciens nous ont transmis de la peinture à l’encaustique. En judicieux critique, il rendit compte de cet ouvrage avec les plus justes éloges.

Nous reviendrons sur la peinture encaustique & sur ses procédés dans le dictionnaire de pratique. (Article de M Watelet, ou du moins trouvé dans ses papiers.)

Encaustique. Qu’il nous soit permis, sur l’antiquité de la peinture encaustique, de placer ici un article fort court. Pline ne fait pas remonter l’origine de cette peinture plus haut que Polygnote, & il nous apprend que d’autres la croyoient beaucoup plus récente.

Mais Polygnote florissoit vers la 89e olympiade, environ 420 ans avant notre ère, & il est souvent parlé de la peinture en cire dans les poésies d’Anacréon, qui vivoit plus de cent ans auparavant. Il sembleroit même que de son temps c’étoit la manière de peindre la plus en usage. Il dit, ode 28, en adressant la parole au portrait de sa maîtresse : Τἀχα, κήρέ, καί


λαλήσειζ :  : Cire, bientôt tu vas parler. Dans l’ode 29, il dit au peintre à qui il commande le portrait de Bathylle : Ο κηρόζ άυτόζ Εχέτο καλών σιωπή. Que la cire parle même dans le silence, comme nous pourrions dire à un pointre : Que votre peinture soit parlante.

Voilà donc l’antiquité de la peinture encaustique reculée de plus d’un siècle par le témoignage d’Anacréon.

Mais cette preuve n’est pas sans réplique. Tanneguy le Febvre, Corneille de Pauw & d’autres savans ont été loin de croire que toutes les poésies qui portent le nom d’Anacréon fussent en effet du poëte de Téos. M. Fischer, qui refusoit de partager leur doute dans sa première édition d’Anacréon, a cru devoir l’adopter dans la seconde. On ne peut guère douter que les véritables œuvres de ce poëte ne fussent familières aux Romains & aux Grecs letters du temps de Pline ; & c’étoit dans ce même temps que les uns attribuoient la peinture encaustique à Aristide, & que les autres la faisoient remonter jusqu’à Polygnote. Comment ne se trouvoit-il personne qui leur prouvât qu’elle étoit beaucoup plus ancienne, en leur citant les vers d’Anacréon ?

S’il ne s’agissoit que de l’opinion de Pline, on pourroit dire qu’il avoit oublié ces vers ou qu’il ne les connoissoit pas. Mais il s’agit de deux opinions débattues entre différentes personnes, & il auroit été singulier qu’aucune d’elles ne connût les œuvres d’un poëte qui étoit alors entre toutes les mains. Ainsi, loin de prouver par Anacréon contre Pline l’antiquité de la peinture encaustique, on prouveroit mieux par le texte de Pline que les odes 28 & 29 attribuées à Anacréon ne sont pas de ce poëte.

Cependant une nouvelle difficulté s’élève. Pline ajoute que Lysippe avoit aussi écrit sur ses peintures d’Egine qu’il les avoit faites à l’encaustique. On peut supposer que ce Lysippe vivoit avant Polygnote & même avant Anacréon, & comme on ignore l’âge de ce peintre, la question reste insoluble & le doute subsiste. (Article de M. Levesque.)

ENDUIT. (subst. masc.) Ce mot est consacré à la peinture à fresque, qui ne peut s’exécuter que sur un enduit frais. C’est même de-là que ce genre de peinture a tiré son nom ; il vient du mot italien fresco, qui signifie frais. Dans les autres genres de peinture, on ne dit point un enduit, mais une couche de couleur. Ce mot rejetté du langage de la peinture considérée comme art, est resté au métier de la peinture en bâtimens.

ENFONCEMENT. (subst. masc.) Comme un tableau n’est pas censé représenter une surface plane, il doit avoir de l’enfoncement, &

  1. (1) Un peintre d’un caractere gai & vraisemblablement très-habile chymiste, ayant sérieusement examiné la peinture au savon de M. Bachelier, ne crut pas que cette invention meritât une critique sérieuse. Il fit imprimer un petit ouvrage qui avoit pour titre : l’Art de peindre au fromage ou en ramekin, dans lequel un ridicule agréable faisoit la plus juste critique de la peinture au savon de cire. On a prétendu que cette brochure étoit de M. Rouquet ; si elle n’est pas de lui, elle est du moins digne de sa plume.