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faciles à rencontrer, je reviens au mot ensemble. Lorsqu’il s’agit d’une figure, c’est l’union des parties du corps & leur correspondance réciproque. On dit un bon ou un mauvais ensemble. Par conséquent le mot ensemble ne signifie pas précisément la perfection dans le dessin d’une figure, mais seulement l’assemblage vraisemblable des parties qui la composent.

L’ensemble d’une figure est commun & à la figure & à l’imitation qu’on en fait. Il y a des hommes dont on peut dire qu’ils sont mal ensemble, parce que, disgraciés dès leur naissance, leurs membres sont effectivement mal ensemblés. Mais n’est-il pas étonnant que l’extravagance des modes & l’aveuglement des prétentions aient souvent engagé plusieurs de ces êtres indéfinissables, qu’on nomme petits-maîtres, à défigurer un ensemble quelquefois très-parfait, ou au moins passable, dont ils étoient doués, pour y substituer une figure décomposée qui contredit désagréablement la nature ?

Les graces sont plus respectées par la peinture, & si on ne leur sacrifie pas toujours, au moins a-t-on toujours pour objet d’obtenir leur aveu par la perfection de l’ensemble. Les Grecs, qui, entr’autres avantages, ont sur nous celui de nous avoir précédés, ont fait une étude particulière de ce qui doit constituer la perfection de l’ensemble d’une figure.

Ils ont trouvé dans leur goût pour les arts, dans leur émulation, dans les ressources de leur esprit & dans les usages qu’ils pratiquoient, des facilités & des moyens qui les ont menés à des succès que nous admirons. Je reprendrai ce fil, qui me conduiroit insensiblement à parler des proportions & de la grace, aux mots Proportion, Grace : voyez aussi Beau. Je me contenterai de dire que la justesse de l’ensemble dépend beaucoup de la connoissance de l’anatomie, puisqu’il est l’effet extérieur des membres mis en mouvement par les muscles & les nerfs, & soutenus dans ce mouvement par les os qui sont la charpente du corps.

L’effet du tout ensemble est, comme on le sent bien, le résultat des ensembles dont je viens de parler, comme le mot effet général est le résultat des effets particuliers de chacune des parties de l’art de peindre dont on fait usage dans un tableau. (Article de M. Watelet.)

ENTENTE (subst. fém.). On dit ce tableau est bien entendu, est d’une belle entente ; c’est-à-dire que l’ordonnance en est bien entendu, qu’il est conduit avec beaucoup d’entente, avec une grande intelligence, soit par la disposition du sujet, soit par les expressions, le contraste, ou la distribution des lumières. Entente se dit aussi d’une partie d’un tableau seulement : ce grouppe, cette figure, sont d’une belle entente de lumière ; il y a dans ce tableau


une belle entente de couleur. (Article de l’ancienne Encyclopédie.)

ENTHOUSIASME, (subst. masc.) l’enthousiasme relatif aux arts & particulièrement à la peinture & à ceux qui l’exercent, est utile & nécessaire, mais il faut qu’il soit vrai & exempt de toute affectation. Il est ordinairement de cette nature, il a cette pureté drus la jeunesse. Il perd de sa vivacité & souvent de sa franchise dans l’âge où les talens formés se trouvent arrêtés dans leur progrès.

Les vives impressions qui excitent l’enthousiamsme & que produit la beauté, doivent donc être regardées comme un présage infiniment favorable dans les jeunes artistes qui en sont susceptibles ; elles soutiennent leur zèle, nourrissent l’émulation, échauffent leur ame. L’enthousiasme dans les arts allume le desir de voir & de revoir sans cesse les belles productions ; il excite à s’en remplir, à contempler avec délices la belle nature, à rivaliser avec elle, à surpasser ceux qui l’ont égalée. L’enthousiasme enfin, je parle toujours de celui qui part de l’ame, est la marque distinctive & peut-être infaillible du génie.

Lorsque les artistes ne sont pas soutenus par des succès proportionnés à leurs desirs de gloire, & qu’ils atteignent l’âge qui, les éclairant sur les difficultés de l’art, leur fait entrevoir le terme de leurs progrès ou l’inutilité de leurs efforts, ils sentent alors, comme je l’ai dit, réfroidir l’enthousiasme ; s’ils ont honte de ce refroidissement, ils affectent, le plus souvent, ce qu’ils ne sentent plus, comme les femmes dont le sentiment est épuisé & qui ne veulent point renoncer aux avantages qu’il procure, cherchent à en montrer d’autant plus qu’elles en ont perdu davantage. Pour ceux qui ne praquent pas les arts & qui ne s’en occupent pas assez ou d’une manière assez suivie pour s’identifier avec eux & s’associer aux artistes, l’enthousiasme qu’ils montrent est presque toujours emprunté, & celui même qu’ils s’efforçent de ressentir, est toujours chancelant & variable, par défaut de justesse dans ses applications.

Au reste, cet enthousiasme a quelquefois pour cause (& c’est la plus excusable) une sorte de sensibilité ou naturelle ou excitée par l’exemple, par l’habitude de chercher des émotions, par le desir d’être ému ; mais lorsque cette sensibilité est plus l’ouvrage de la tête ou de l’esprit seul que de ce qu’on appelle le cœur & l’ame, elle est sujette à tant de modifications & se trouve soumise à tant de circonstances, qu’elle procure peu de véritables plaisirs à ceux qui s’y livrent, & ne vaut pas, à parler franchement, la peine qu’elle leur donne.

A ces désavantages & à ces inconvéniens, se joint un ridicule certain aux yeux des hom-