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de la trace de celui de devant. Ce rapprochement est si fort, que la partie de devant dudit jarret se trouve presque à l’a plomb du milieu du corps de l’animal. Cela est vrai. »

« Lorsque le jarret levé du cheval que nous examinons se rapproche de l’autre, il en est écarté d’environ un pied & demi, d’où l’on voit qu’il s’en faut que le pied de cette même jambe de derrière soit sur la trace de celui de devant. »

« Quelque relevé & précipité que soit le pas d’un cheval, il s’en faut toujours de beaucoup que le bras soit placé horizontalement. Cela est vrai. » « 

Le bras de la jambe levée du cheval de Marc-Aurèle est placé pour le moins horizontalement Ce bras ainsi relevé excède donc de beaucoup le mouvement naturel, & c’est donc un grand défaut. »

« M. Saly fournit encore beaucoup d’autres objets de comparaison qui sont tous au désavantage du cheval antique. Je m’en tiens à ce qu’on vient de voir, & qui me paroît suffisant pour démontrer combien ce cheval est loin de mériter l’admiration des connoisseurs. »

« Si, comme la plupart de nos artistes le savent & en conviennent, le cheval de Marc-Aurèle est du même genre que ceux de Saint-Marc & ceux de Monte-Cavallo, il est médiocre : aucun vrai connoisseur, excepté les propriétaires, n’a jamais mis au rang des beaux ouvrages de sculpture ces derniers chevaux. »

« Si, comme on en convient encore, le cheval de Marc-Aurèle a un trop gros ventre, une trop grosse encolure, &c. il est donc mal ensemble & d’une mauvaise proportion. Cependant, afin de pouvoir juger si la disposition de ce ventre est un défaut tolérable, donnons-en la forme & la mesure à-peu-près. » « On a vu que, dans un cheval bien proportionné, l’extrêmité inférieure du ventre, mesure prise du dessus des reins, revient à la longueur de la tête ; que dans celui du capitole, cette mesure prise au même endroit porte environ un pied de plus que la tête, qui a deux pieds dix pouces de long ; ce qui présente ce gros & large ventre sur une ligne très-courbe, & surbaissée de trois pouces au moins dans son milieu de la ligne horizontale, tandis que dans un cheval naturel d’environ six pieds de long, & qui n’a pas un ventre de vache, cette ligne, dont la courbure est imperceptible, vient en s’inclinant de cinq à six pouces depuis les parties naturelles jusqu’au dessous du poitrail ; inclinaison qui devroit produire au moins huit pouces dans celui-ci, ce qui lui sauveroit une énorme défectuosité. Cette défectuosité peut aussi provenir en partie de la mesure des


jambes, qui me paroissènt, en mesurant le beau naturel, avoir quelques disproportions relatives entre-elles. »

« Je sais au reste que le compas seroit un juge des plus récusables dans un ouvrage qui reroit d’ailleurs sublime : le Gladiateur, l’Apollon & tel autre chef-d’œuvre en seroient indignés ; mais ici nous devons l’admettre Ainsi, en joignant ces défauts à beaucoup d’autres qui ne sont ni compensés ni effacés par d’assez grandes beautés dans cet ouvrage, il résulte assurément que ceux qui l’ont regardé comme un chef-d’œuvre ne l’ont pas connu, ou ne connoissoient pas un beau cheval, ou avoient sur les yeux le voile de la prévention. S’ils eûssent été plus éclairés ou moins prévenus, ils n’auroient pas glissé sur tant de défauts, joints à la disproportion extraordinaire de ce ventre. »

« Faut-il avoir de grandes connoissances pour n’être pas un peu choqué de l’étude fausse de la croupe & de celle des cuisses du cheval de Marc-Aurèle ? Je veux que l’ensemble général de cette croupe ne soit pas d’une bien mauvaise forme ; les détails & la froideur des cuisses (je les ai sous les yeux) sont trop éloignés du naturel pour qu’on puisse s’empêcher de sourire un peu quand on entend appeller cela un chef-d’œuvre. »

« J’ai une copie généralement exacte & bien mesurée de la statue de Marc-Aurèle. Comme ce n’est pas des finesses de détail qui souvent distinguent un original qu’il est ici question, mais de l’ensemble, des formes & da mouvement, je crois qu’avec les parties originales qui sont sous mes yeux, & que je compare à ce petit modèle, je connois le cheval antique autant que peuvent le connoître ceux qui le voient au capitole. Enfin cette copie achève de m’apprendre que le cavalier, duquel on parle peu, est beau pour un ouvrage fait dans un temps où la sculpture ne produisoit plus ni des Laocoons, ni des Gladiateurs, & que le cheval qui occupe davantage tous ceux qui en raisonnent, est bien inférieur au cavalier. »

« Quelques personnes disent que l’excessive largeur du ventre de ce cheval provient d’un accident, & que son dos ayant fléchi, les flancs plièrent & s’elargirent. On ne fait pas attention que ce dos est aujourd’hui dans la forme & à la place qu’il a été fondu, & que si le marteau l’eût remis où il est, il n’auroit pu y venir sans que les flancs ne reprissent aussi la leur. Quels que soient le mêlange & la qualité du métal de cette statue, le bronze auroit cassé par l’accident que l’on suppose, ou par la prétendue restauration dont on parle, comme s’il s’agissoit d’une figure de plomb. Mais n’eût-il pas cassé, un cylindre de bronze