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F R E La franchise du pinceau suppose toujours la netteté, la légèreté ; mais elle doit être le fruit du savoir de l’artiste, & du vif sentiment de la forme qu’il exprime.

La franchise de la touche se confond toujours par les gens qui ne sont pas consommés dans l’art, avec la netteté sans justesse, avec la dureté, & souvent même avec la sécheresse qu’une main conduite par l’ignorance & l’audace, ose mettre dans sa touche. Cette assurance de main, qui n’est qu’un métier, peut tromper même l’homme instruit dans le premier moment qu’il regarde un ouvrage. Cependant cette qualité sèduisante est souvent celle d’un ignorant qui parle sans pudeur de choses qu’il n’entend pas, & en impose à des gens qui les entendent encore moins que lui. Ces mots franc de pinceau, franchise de touche ont gâté bien de jeunes talens, qui se sont piqués de cette prétendue franchise avant d’acquérir le savoir. Le succès trompeur & dangereux qu’elle leur a valu trop tôt, les a bornés dès le commencement de leur carrière.

La franchise de pinceau de Lanfranc, de Jouvenet, de Vouet, de le Sueur, &c. étoit un don le la nature qu’ils n’avoient pas cherché à acquérir.

On peut encore appliquer ce mot au coloris & à l’effet, quand le ton a été choisi avec justesse sous ce double rapport, & posé sans être fondu ni sali ; on dit alors : telle partie est d’un ton bien franc, d’une couleur bien franche. Rubens étoit très-franc de teintes, &c. (Article de M. Robin.)

FRESQUE (subst. fém.) Peinture qui s’exécute ordinairement sur un enduit encore frais de chaux & de sable combinés.

De toutes les manières de peindre, la fresque est la plus ancienne, la plus durable, la plus prompte, la plus digne d’orner les grands édifices. Ajoutons que de nos jours ce genre de peinture est le moins en usage.

Il paroît que les fragmens de peintures antiques qui nous viennent des Romains sont tous à fresque. Norden, cité par Winkelmann ([1]) parle des restes de palais & de temples en Egypte où sont des figures collossales peintes sur des murs de quatre-vingt pieds de hauteur. La description que ces écrivains font de ces peintures, de l’enduit préparé sur lequel elles ont été couchées, de la manière dont les couleurs ont été employées, tout enfin désigne la peinture à fresque.

On peut aussi montrer, à la vérité, des mosaïques & des peintures sur des vases étrusques, ou sur des ustensiles Egyptiens qui annonceroient une antiquité égale à ces peintures à fresque ; mais les présomptions de droit d’alnesse n’en seront pas moins en faveur de la fresque. Car 1º. l’espèce de tableau que la mosaique produit, est toujours une copie de la peinture. 2º. L’art de peindre sur les vases, tel que nous l’offrent les antiquités étrusques, a dû être précédé par celui de peindre sur les murs, puisqu’il exige une plus grande recherche, & plus de dextérité dans l’opération manuelle ; d’ailleurs on a dû former des tableaux sur les murs des palais & des temples avant que d’en orner les vases aux usages des tables & des autels. Le goût de ces détails n’a pas dû naître avant celui des grandes masses. Cette marche n’est jamais celle des connoissances humaines, parce qu’elle n’est pas celle de la nature.

Quant à la solidité de la fresque, elle est démontrée par l’existence des fragmens antiques qui annoncent sa haute antiquité. Il n’y a point d’autre sorte de peinture qui eût pu résister de même aux injures des saisons, à l’aridité excessive de certains climats, à l’humidité des souterreins, & aux encombremens faits par les Barbares. Qu’on ne combatte pas notre opinion en faveur de cette peinture par la durée aussi grande de celle des momies. Non-seulement ces objets étoient renfermés dans des constructions très-soignées ; mais encore on peut fort bien ne pas adopter en son entier le systême du Comte de Caylus, (Rec. d’Ant. tom. 5.) qui prétend que la peinture des momies est une espèce de détrempe préparée avec de la colle. Cette colle prétendue étoit probablement un mordant qui s’imprégnoit très-fortement dans les matières dont ces corps étoient enduits, ou cet enduit lui-même étoit une préparation de chaux sur laquelle les couleurs étoient appliquées quand il étoit encore frais : ce qui supposeroit une espèce de fresque. Autrement on ne sauroit penser que ces peintures, supposées en détrempe, se fussent conservées jusqu’à nous.

Les mémoires de la Chine, vol. II. nous parlent de la peinture sur pierre des artistes de cet Empire, qui est faite aussi avec de la colle ; mais elle ne peut, quelque bonne qu’on suppose cette colle, quelque solide que soit le vernis en cire dont elle est ensuite couverte, résister aux brouillards & aux pluies fréquentes, qui doivent bientôt dissoudre ce vernis.

Nous dédaignons de faire entrer en comparaison, avec la durée de la fresque, celle de la peinture à l’huile ; nous voyons que, même dans les intérieurs, cette dernière est détruite en très-peu de temps, lorsqu’elle est faite sur le mur.

Comment la peinture à fresque ne seroit-elle pas la plus solide de toutes ? L’enduit frais qui reçoit la couleur en est imprégné assez fortement pour la retenir tout le temps de sa durée.

  1. (1) Tome I, pag. 114.