Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/460

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

PRE Cet enduit bien sait se détache rarement du mur sur lequel il est appliqué avec les précautions convenables. Or peut-on demander d’un tableau une plus grande solidité que celle de la muraille sur laquelle il est sait ?

L’enduit composé, comme nous l’avons dit, de chaux & de sable, devient d’une dureté égale à celle des pierres elles-mêmes. Les monumens anciens attestent cette assertion. Notre enduit de plâtre, que la chaleur fait écailler, que l’humidité & la gelée détruisent en peu d’années, ne peut lui être comparable.

Il y a des opinions diverses sur la nature des climats propres à conserver les fresques. Dans un ouvrage in-4º. page 399, sur l’Architecture, les divers genres de peinture &c. Felibien dit : « On a remarqué que les couleurs à fresque changent moins à Paris qu’en Italie ou en Languedoc, ce qui arrive peut-être à cause qu’il y fait moins chaud qu’en ces pays là, ou bien que la chaux est meilleure ici. » M. Falconet paroît contredire cette assertion dans ses nottes sur Pline, tome 1 page 223, de ses œuvres diverses, Paris, 1787. « La Peinture à fresque, selon cet auteur, se conserve mieux dans les pays chauds & secs que dans nos climats septentrionaux & humides. » Quelqu’opposés que paroissent les sentimens de ces deux écrivains, il y a moyen de les concilier en accordant au premier, qu’en effet l’exposition à un soleil ardent est capable d’opérer un grand changement dans les couleurs ; changement qui doit être moins prompt dans les climats tempérés, & quelles ne doivent point subir du tout dans ceux où le soleil a très-peu de vigueur. On doit penser comme le second par rapport aux gelées des pays du nord, qui causent la perte inévitable des peintures à fresque. Ces gelées font éclater les pierres, elles corrodent même les veines de terre pétrifiées dans le centre des marbres de couleur, enfin rien ne résiste à leur effet destructeur.

Mais sous croyons être parvenus à rapprocher ces idées différentes, par les essais & les observations que nous avons faits sur des peintures à fresque. Ils nous ont portés à conclure que le choix du lieu est très-important, lorsqu’elles sont au-dehors, & nous avons cru que l’exposition au nord étoit la plus favorable dans les pays où il gèle rarement, & dans les climats froids, celle du couchant, parceque les premiers rayons du soleil levant, ont après les gelées, une action très-nuisible. A cet égard nous n’adoptons pas en tout le sentiment de M. Falconet sur les dangers de l’humidité pour la fresque. Et voici nos raisons. 1º. Les peintures antiques retirées des lieux humides, où elles étoient enterrées depuis des siècles, avoient, sous des monceaux énormes de terre, conservé toutes leurs couleurs. Celles des ruines d’Herculanum,


a-t-on observé, les ont au contraire perdues en très peu de tems, lorsqu’elles ont été dessêchées par l’air extérieur. 2º. Le mortier dont la peinture à fresque suit la durée ne se détruit pas dans nos climats pluvieux. On sait qu’il a fallu user de la poudre pour détruire des portions à présent incommodes, des thermes de Julien, rue des Mathurins, qui étoient toutes de mortier. Le morceau de fresque à l’air dans le climat de Paris, qui nous ait paru le mieux conservé, est exposé au couchant. Il est du dix-septième siècle, & n’a pas été épargné par les ouvriers qui ont construit dans son voisinage.

Après le choix de lieu, reste celui des matériaux, pour s’assurer de la durée de lafresque. Il faut spécialement s’occuper de la composition de l’enduit. Pour être bon, il faudroit qu’il fût fait comme le mortier des anciens. On le dit introuvable. Cependant nous pensons qu’on en peut approcher avec les soins nécessaires. Nos idées sur ces détails tiennent à la manœuvre de l’art, qui doit faire l’objet du dictionnaire de pratique. Ainsi nous passerons à l’épithète prompte que nous avons donné à la peinture à fresque.

En définissant ce genre de peinture, nous avons dit qu’il se faisoit sur l’enduit frais, & son nom vient de cette pratique essentielle, surtout lorsqu’elle est au dehors des édifices. Fresca italien, en est le mot étimologique ; ou plutôt le mot fresque est l’imitation de l’italien. Disons en passant que les vieux auteurs, tels que Félibien, écrivoient fraisque ; sans doute du mot françois frais, ce qui exprime la même idée.

On conçoit que si on ne peint pas sur l’enduit dans un espace très-court, il se sèche avant que l’artiste. l’ait couvert de sa couleur. Il faut aussi, pour prévenir cet inconvénient, que le peintre ambitieux de faire un tableau raisonnable & pur, arrive tout armé auprès du champ de son travail. A cet effet, il a des dessins très-arrêtés pour les contours & pour les places des lumières & des ombres, par-là il est assuré des formes en calquant ces dessins avec une pointe de fer qui les imprime aisément sur le mortier frais, & la plus importante partie de l’art s’y trouve tracée.

Pour ne pas s’égarer dans le choix des tons de couleur, souvent ces dessins ou cartons sont lavés de la teinte que l’artiste a déterminé d’employer dans ses ouvrages ; on en voit de préparés ainsi de la main de Raphaël ; ils sont à Londres, & on les a nommés cartons d’Hampton cour, du lieu où ils étoient jadis déposés ; on en voit aussi de Jules Romain chez le Duc d’Orléans, &c.

Observons que ces dessins ne sont pas faits sur ce qu’on entend en françois par du carton ; car comment les calquer ? Mais sur de grands papiers. Ce mot de carton nous vient du cartone