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G R A relative aux mouvemens qui nous sont propres.

La grace consiste dans l’accord de ces mouvemens avec ceux de l’âme.

Dans l’enfance & dans la jeunesse, l’âme agit d’une manière libre & immédiate sur les ressorts de l’expression.

Le mouvemens de l’âme des enfans sont simples, leurs membres dociles & souples. Il résulte de ces qualités une unité & une franchise qui plaît.

Conséquemment, l’enfance & la jeunesse sont les âges des graces. La souplesse & la docilité des membres sont tellement nécessaires aux graces, que l’âge mûr s’y refuse & que la vieillesse en est privée.

La simplicité & la franchise des mouvemens de l’âme contribuent tellement à produire les graces, que les passions indécises, ou trop compliquées les font rarement naître.

La naïveté, la curiosité ingénue, le désir de plaire, la joie spontanée, le regret, les plaintes & les larmes même qu’occasionne la perte d’un objet chéri, sont susceptibles de graces, parce que tous ces mouvemens sont simples.

L’incertitude, la réserve, la contrainte, les agitations compliquées & les passions violentes, dont les mouvemens sont en quelque façon convulsifs, n’en sont pas susceptibles.

Le sexe le plus souple dans ses ressorts, le plus sensible dans ses affections, dans lequel le desir de plaire est un sentiment en quelque façon indépendant de lui, parce qu’il est nécessaire au systême de la nature ; ce sexe qui rend la beauté plus intéressante, offre aussi, lorsqu’il échappe à l’artifice & à l’affectation, les graces sous l’aspect le plus séduisant.

La jeunesse très-cultivée s’éloigne souvent des graces qu’elle recherche, tandis que celle qui est moins contrainte, les possède sans avoir eu le projet de les acquérir. C’est que l’esprit éclairé & les conventions établies retardent, ou affoiblissent les mouvemens subits tant de l’âme que du corps. La réflexion les rend compliqués. Plus la raison s’affermit & s’éclaire, plus l’expérience s’acquiert, & moins on laisse aux mouvemens intérieurs cet empire qu’ils auroient naturellement sur les traits, sur les gestes & sur les actions.

L’âge mur, qui voit ordinairement se perfectionner & la raison & l’expérience, voit aussi les ressorts extérieurs devenir moins dociles & moins souples.

Dans la vieillesse enfin, l’ame réfroidie ne donne plus ses ordres qu’avec lenteur, & ne se fait plus obéir qu’avec peine.

L’expression & les graces s’évanouissent alors ; les graces telles que je viens de les définir, empruntent une valeur infinie de la plus parfaite conformation.

Cependant les mouvemens simples de l’ame


n’ont peut-être pas, avec la perfection d’un corps bien conformé, le rapport absolu qui existe entre cette parfaite conformation & les actions qui lui sont propres.

Voilà pourquoi l’enfance, qu’on peut regarder comme un âge où le corps est imparfait, se trouve susceptible des graces, tandis que ce n’est que par convention qu’on peut lui attribuer la beauté.

Ce que j’ai dit suppose encore l’équilibre des principes de la vie qui produit sur nous la santé. Cet état commun à tous les âges, dans les rapports qui leur conviennent, est favorable aux graces, & sert de lustre à la beauté.

Au reste, cet accord des mouvemens simples de l’ame avec ceux du corps, éprouve une infinité de modifications, & produit des effets très-variés.

C’est delà que vient sans doute l’obscurité avec laquelle on en parle communément, & ce je ne sai quoi, expression vuide de sens qu’on a si souvent répétée, comme signifiant quelque chose.

Les graces sont plus ou moins apperçues & senties, selon que ceux aux yeux desquel elles se montrent sont eux-mêmes plus ou moins disposés à en remarquer l’effet.

Qui peut douter qu’il ne se fasse, quand nous sommes très-sensibles aux graces, un concours de nos sentimens intérieurs, avec ce qui les produit ? fixons quelques idées à ce sujet.

Un homme indifférent voit venir à lui une jeune fille, dont la taille proportionnée se prête à sa démarche avec cette facilité & cette souplesse qui sont les caractères de son âge. Cette jeune fille, que je suppose affectée d’un mouvement de curiosité, reçoit de cette impression simple de son ame, des charmes qui frappent les yeux de celui qui la regarde.

Voilà des graces naturelles indépendantes d’aucune modification étrangère.

Supposons actuellement que cet homme, loin d’être indifférent, prenne l’inérêt d’un père à cette jeune beauté qui l’apperçoit, & qui se rend près de lui. Supposons encore que la curiosité qui guidoit les pas de la jeune fille, soit changée en un sentiment moins vague, qui donne un mouvemeut plus décidé à son action & à sa démarche ; quel accroissement de graces va naître de cet objet plus intéressant, de cette action plus vive, & de la relation de sentiment qui d’un côté produit un empressement tendre, & qui de l’autre rend le père plus clairvoyant cent fois, & plus sensible aux graces de sa fille, que ne l’étoit cet homme désintéressé !

Ajoutons à ces nuances.

Que ce ne soit plus un homme indifférent, ni même un père, mais un jeune homme amoureux qui attend & qui voit arriver l’objet

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