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& brillans. Si la proportion est un peu grande, le burin s’en acquittera mieux que l’eau-forte sur-tout vers les lumières. Il y a cependant des plumes flexibles, frisées, jouantes, telles que celles de l’autruche, & même celles de la queue des cocqs, qu’on ébaucheroit à l’eau-forte avec plus de succès. Quelque procédé que l’on suive, il ne faut jamais le hâter de les couvrir de secondes.

Les métaux demandent un travail ferme & brillant comme eux-mêmes. C’est encore une des parties que réclame le burin.

La légèreté des nuages, leurs formes capricieuse, leur mollesse, seront mieux exprimées par l’eau-forte. Sur-tout il ne faut pas pour cette partie consulter les estampes d’Annibal Carrache, de Villamene, de Golzius, de Muller. Les nuages y ressemblent à des outres pleines de liqueur. Il faut éviter, ainsi que dans les draperies, les formes qui ressembleroient à des figures grottesques d’homme, ou d’animaux, à des têtes grimaçantes, &c.

Les eaux tranquilles ont l’éclat d’un miroir & se gravent de même ; on petit donc les réserver pour le burin. Sa fermeté rendra bien aussi l’apparence des longues vagues de la mer ; un léger travail de pointe en exprimeroit mieux l’écume.

C’est à l’eau-forte à rendre les tiges noueuses des arbres, les brisures de leurs écorces, les mousses dont elles sont couvertes, la légèreté des feuilles. Cependant Sadeler & d’autres graveurs au burin ont exprimé ces détails avec succès.

En général, dans quelqu’objet que ce soit, les lumières & les demi-teintes qui les avoisinent doivent être peu chargées de travail, & exécutées d’une pointe fine & coupante. On peut l’y faite badiner quelquefois, pour tempérer le sérieux des autres travaux. C’est un conseil que donnoit un très-habile graveur, Nicolas Dupuis, & il le tenoit de Duchange, qui s’étoit formé lui-même à l’école de Gérard Audran.

Dans les corps arrondis, les tailles, en s’approchant du conteur, doivent elles-mêmes s’arrondir. Il faut, ainsi que la forme qu’elles expriment, qu’elles semblent se continuer dans la partie que le spectateur ne voit pas, mais qu’il pourroit voir s’il lui étoit permis de tourner autour de la figure qui est supposée de relief. On trouve des exemples contraires dans de bonnes estampes ; mais les bons ouvrages ont leurs défauts.

Les troisièmes tailles sont destinées à achever de peindre, à colorer, à éteindre, à sacrifier. Nous avons dit qu’on les réservoit ordinairement pour le burin Il y a cependant des parties qui demandent un travail fort brut & une teinte très-vigoureuse ; c’est là qu’on peut brayer les


accidens de l’eau-forte : ils contraindront l’artiste même timide à pousser son ouvrage entier à un haut ton de couleur, & deviendront heureux quand la planche sera terminée. Les bonnes eaux-fortes des peintres peuvent inspirer aux graveurs une audace louable.

L’air interposé entre l’œil du spectateur & les objets éloignés, efface les contours de ces objets, en détruit les détails, & ne laisse plus appercevoir que les masses enveloppées de vapeurs. C’est ce que le graveur doit observer, & ces masses indécises seront heureusement avancées par le travail de la pointe. Les tailles ne suivront pas les tournans des objets, mais elles seront établies par couches plattes. Une tour à plusieurs côtés, une tour ronde, font le même effet à une grande distance : cet exemple seul prouve assez que les travaux qui arrondissent seroient déplacés sur les plans reculés. On ne peut prendre, à cet égard, de meilleurs modèles que les estampes de Gérard Audran.

Il donne aussi l’exemple de resserrer d’autant plus les travaux que les plans s’éloignent davantage. Chez lui les premiers plans sont gravés en tailles fort nourries ; elles s’affoiblissent & se resserrent à mesure que les plans gagnent le fond de la scène. Ce procédé est le plus gênéralement suivi ; mais d’habiles graveurs n’ont pas craint de s’en écarter. De bonnes raisons peuvent empêcher de les prendre en cela pour modèles ; d’autres raisons, bonnes elles-mêmes, doivent empêcher de les condamner.

Il est bien vrai que des travaux larges & nourris conviennent bien au pinceau fier & coloré qui peint les premiers plans, & que la perspective linéale semble ordonner que les tailles, en fuyant, se ferrent davantage, comme la perspective aërienne ordonne qu’elles se dégradent de force & deviennent toujours plus légères.

Mais on peut faire une autre observation ; c’est que sur les premiers plans les formes sont plus détaillées, parce qu’un moindre volume d’air interposé entr’elles & l’œil du spectateur, permet de les voir plus nettement ; or, tel détail qui mériteroit d’être conservé ne pourra l’être, si l’on ne serre pas les travaux de ces premiers plâns.

Supposons par exemple qu’on se propose de graver une main d’après un tableau où cette partie soit bien étudiée ; supposons encore qu’elle ait sept pouces de long dans le tableau, & qu’elle soit réduite à un pouce dans la gravure. Il sera déjà bien difficile dans cette réduction à un septième de conserver les détails même les plus précieux : mais si l’on ne fait entrer que trois tailles dans une ligne, on sent que la difficulté augmente, & va même jusqu’à l’impossibilité. Aussi voit-on que les graveurs qui traitent le