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plus largement les chairs, resserrent leurs travaux sur les extrémités, peut-être moins par réflexion, que parce qu’ils y sont conduits par la multiplicité des détails.

Il faut encore observer que le plus grand vice de la gravure considérée comme une manière de peindre, c’est d’être obligée de laisser des blancs entre ses travaux : ces blancs ont, par opposition, d’autant plus de force, que les tailles sont plus profondes & plus nourries ; c’est donc sur les premiers plans qu’ils pétillent davantage : mais plus les travaux seront serrés & moins ils laisseront de ces blancs entr’eux.

C’est ce qui a engagé d’anciens graveurs, tels que Hollar, Sompelen, & parmi les modernes, J. J Flipart à serrer à-peu-près également tous, leurs travaux ; se contentant de nourrir seulement davantage ceux des premiers plans. Ils ont à cet égard considéré les tailles comme une couleur, telle par exemple que l’encre de la Chine, & ils ont cru qu’il suffisoit de tenir cette couleur plus ou moins vigoureuse suivant l’indication des plans.

Avant que J. Ph. Lebas, artiste qui a bien mérité de la gravure, eût fait contracter à ses élèves l’habitude de graver à la pointe sèche les parties claires des ciels, méthode que son exemple a rendu générale, on écartoit ordinairement davantage les tailles pour rendre d’une teinte plus légère les parties d’un ciel clair les plus éloignées du spectateur, & les plus voisines de l’horison : c’étoit encore la pratique de Vivarés, célèbre graveur de paysage. Il est donc prouvé, par cet exemple, que des travaux larges, mais tendres peuvent fuir, & par la même raison, que des travaux serrés, mais vigoureux peuvent avancer, & que, par conséquent, c’est par le ton qu’en gravure des objets s’avancent ou reculent, & non parce que les travaux sont plus ou moins serrés.

Ce même Lebas, à qui l’on ne reprochera pas le défaut d’intelligence, avoit pour maxime de serrer les premières tailles, même sur les plans avancés, pour donner à la gravure le repos du lavis.

Les principes que nous venons d’établir d’après la pratique des maîtres les plus estimés, doivent s’appliquer aux ouvrages à la pointe, qui seront terminés au burin. Les peintres qui se sont un amusement de la gravure à l’eau-forte ne s’attachent guère qu’à l’effet, & soumettent leur travail à peu de règles. Il résulte souvent de leur licence, limitée par le savoir & par le goût, des travaux que les graveurs de profession peuvent envier, & qu’ils doivent même tâcher d’imiter à propos.

Des inégalités pittoresques de travaux, des jeux de pointe inspirés par le goût, ont une grace particulière dans les parties voisines des lumières. Il ne faut donc pas admettre sans in-


terprétation ce qu’on lit dans l’ancienne Encyclopédie, article Gravure, que les ombres admettent un travail ferme & plus rempli d’accidens & d’inégalités. D’abord la fermeté du travail semble en exclure les inégalités. Ensuite comme les ombres exigent un grand repos, des accidens y seroient contraires puisqu’ils détruiroient la tranquillité de la masse. Sans doute l’auteur de cet article a voulu dire que les inégalités, les accidens de l’eau-forte étoient sans conséquence dans les fortes ombres, parce que l’artiste seroit toujours maître, en terminant, de rétablir le repos dans ces masses vigoureuses, en les reprenant au burin, & y ajoutant de nouveaux travaux.

Quoique tous les genres de peinture aient été rendus avec succès par les différentes manières de graver, soit à la pointe, soit au burin, soit en combinant ces instrumens, il faut cependant avouer que certains tableaux semblent demander le concours du burin & de l’eau-forte, que pour les uns l’eau-forte doit dominer, que pour d’autres le burin doit faire la plus grande partie de l’ouvrage, & que d’autres enfin paroissent exiger le burin pur. Sans doute, à l’aide du burin seul, on auroit pu graver, & bien graver, les batailles d’ Alexandre ; mais qui ne regretteroit pas que la gravure n’en eût point éte préparée par la pointe d’Audran ?

Tous les tableaux où dominent des objets que l’art exprime plutôt par une indication spirituelle que par une imitation précise de la nature, conviennent mieux au travail spirituel de l’eau-forte. Tel est le paysage, puisque tout le monde avouera qu’il est impossible à l’art de copier scrupuleusement le feuillé des arbres, les accidens de leurs écorces, les brins d’herbe, les mousses, le sable & toutes substances dont la terre est couverte ou composée.

Les animaux à longs poils, à laine frisée appartiendront à l’eau-forte par la même raison, aussi bien que les vieilles fabriques, les ruines, &c. Le travail de la pointe doit dominer dans tous ces objets.

Comme la peinture d’histoire doit être traitée d’un pinceau large & facile, que les petits détails des formes & des tons y sont négligés, qu’elle rend tous les objets de la nature, & tous avec liberté, qu’elle est ennemie de ce fini extrême qui est le fruit d’un travail lent & pénible ; il semble, malgré les beaux exemples contraires, que la gravure n’étant qu’une traduction de la peinture, c’est le mélange de la pointe & du burin qui doit être consacré à la grande histoire. Cette manière a plus de moyens que le burin pur d’imiter la fière liberté de la brosse ; comme elle est plus facile, elle convient à la facilité qui brille dans la peinture de l’histoire ; plus, prompte dans ses opérations, elle permet à l’artiste de conserver