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f rêfente Saint - Charles Borromée adminiftrant 3a communion aux peftiférés de Milan : elle eft d’autant plus précieufe, que le tableau n’exifte plus, & qu’il paroît avoir été le chef-d’œuvre de Mignard. ,»-■ "

(j4) Nicolas Pitau , né à Paris en 1633 , mort en 1676, gravoit dans la manière de Poilly , mais fes tailles étoient plus mâles. Sa Sainte Famille d’après Raphaël eft un chefd’œuvre pour la beauté de l’outil , la pureté du deffin , la vigueur & la jufteffe de l’effet. Le caractère de Raphaël n’a peut-être jamais été mieux faifî dans aucune eftampe. L’amateur qui la préférerait même à la fameufe Sainte Famille gravée par Edelinck d’après le même maître , pourroit donner des raifons plaufibles de fon choix. Pitau a prouvé par cet ouvrage que le prince de l’école Romaine pouvoit donner aux graveurs des leçons de couleur , & que pour les trouver dans fes ouvrages , il ne faut que favoir les bien lire.

(55) Guillaume Chasteau , lié à Orléans en 1633 , mort en 1683 , fit un voyage en Italie par curiofité , fe lia dans cette patrie des arts avec un graveur , conçut en le voyant travailler du goût pour fon art , & y confacra le refte de fa vie. Il eft fur-tout connu par fes eftampes d’après le Pouffin , gravées au burin pur dans le goût de Bloemaert & de Poilly , qui ne convient pas parfaitement au caraclère de ce maître. On connoît moins celles qu’il a confidérablement avancées à l’eau-forte, & dans lefquelies on trouve certaines parties traitées avec efprit & d’un très - bon goût. On peut fegretter qu’il n’ait pas toujours fuivi cette manière plus pittoresque & plus libre , dans laquelle il aurait fait fans doute des progrès , & qui aurait augmenté le nombre de fes ouvrages & fa réputation. On lit dans quelques ouvrages fur les arts que Chafteau étoit un graveur médiocre : ou les auteurs étoient fort févères , ou ils n’a voient pas vu fes meilleurs ouvrages.

(56) Elie Hainzélm an, natif d’Augsbourg, étoit élève de Poilly , & très-bon graveur dans la manière de fon maître. On ignore l’année de fa naiflance & celle de fa mort ; on fait qu’il florifîbit vers 1680.

(57) François Spier , né à Nancy en 1643 , & mort à Marfeille en 1681, exerça la peinture , prit des leçons de gravure dans l’attelier de Poilly, & devint fupérieur à ce très-habile maître. Il n J a vécu que trente-huit ans s & mourut en revenant d’Italie où il étoit allé le perfectionner. Il a gravé d’après Piètre de Cortone , le Mole, le Bernin, &c. Quand il fuiyoit la manière de Bloemaert & de Poilly, fa gravure ne cédoit en rien aux plus beaux ouvrages de ces deux artiftes,ou plutôt elle méritoit de Jeur être préférée ; mais ils n’avoient qu’une G R A

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manière , & il changeoit la tienne a fon gré. Il a gravé d’une feule taille avec une fingulière feuplefïe , & dans un goût tout à fais différent de celui de Mellan. Il y a peu de graveurs au burin qui aient autant varié leur manœuvre ; peut-être même qu’à cet égard aucun ne lui peut être comparé. Tantôt fa gravure eft de la plus grande fierté, tantôt elle eft fine & badine. Il favoit quelquefois donner à fort burin un efprit que l’eau-forte peut à peine lu ? difputer. Le porttait du Comte Laurent de Marfciano , peint & gravé par lui-même, eft un morceau remarquable par la couleur , quoiqu’aucune partie de cette eftampe ne foit pouffée au noir. On a plufieurs belles eftampes de la compofition. On dit que fa manière de peindre reflembloit à celle de Piètre de Cortone. Sa Vierge, gravée d’après le Corrège , eft un chef-d’œuvre ; elle a été vendue 500 liv. à la vente de M. Mariette.

(58) Jean-Louis Roullët, né à Arles eit" 164J , mort à Faris en 1600 , l’un des plus habiles élèves de Poilly , & peut-être fupérieuià fon maître. En quittant cette école , il pafla en Italie où il travailla dix ans entiers , & acquit une pureté de deffin qui le rendit capable de graver avec fuccès d’après les plus grands maîtres. Il fuffit à fon éloge de citer fa belle eftampe des Maries au tombeau d’après Annibal Carrache , ouvrage admirable par la correction & la fermeté du deffin , par la beauté du travail , & par l’art avec lequel le graveur a fu conferver Pexprefficn de fon modèle. On a de lui des eftampes que l’on prendrait pour de beaux ouvrages de Bloemaert ; mais celle des Maries reftera toujours ion chef-d’œuvre. Bloemaert & fes imitateurs avoient introduit dans leur art cette partie du clair-obfcur quï confifte à conduire par une dégradation fuivie la lumière la plus piquante à l’ombre la plus forte : c’étoit donner à la gravure la perfection de la peinture monochrome ou en camayeu. Rubens apprit un autre art aux graveurs qu’il dirigeoit, & dont plufieurs s’étoient formés à fbn école. Comme la couleur propre contribue à l’effet général du clair-obfcur, parce qu’une couleur claire étend une maffe de lumière, &une couleur obfcure , une maiTe d’ombre , il leur fit fentir qu’ils détruifoient en partie l’effet d’un tableau coloré dans ce principe , s’ils négiigeoient de rendre la valeur delà couleur propre , & il leur démontra que cette couleur étant néceffairement par fa nature ou plus claire ou plus fombre , pouvoit fe rendre par le moyen du noir ou du blanc plus ou moins dégradé. Cette heureufe découverte ajouta une nouvelle perfection à la gravure , en lui fourniiTant Je moyen détendre, non la couleur elle-même , ce qui eft abfolument impofûble avec du noir 8c du blanc , mais la valeur & l’effet de la