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rendu des vues de marine-, des campagnes boifées font-elles des objets moin :; iniéreflans pour l’art ?

( 101 ) Gérard Audran , né à Lyon en 1640 eft mort à Paris en 1703. Il étoit d’une famille qui déjà s’étoit acquis de la réputation dans la gravure. Nous avons parlé de Charles ou Karle imitateur de Bloëmaert. Ce Karle avoit un frère nommé Claude, établi à Lyon , & qui eut deux fils graveurs comme lui. L’aîné fe nommoit Germain, & fut profeffeur d’une académie de deiïin établie dans cette ville ; il a gravé différentes fuites de payfages & desfujets d’ornemens -, le cadet eft Gérard qui a immortalïfé le nom des Audrans.

Il eft vraifemblable que Gérard demeurera long-temps le premier des graveurs dans le genre de l’hiftoire traitée à la manière de l’école Romaine ; car il faut peut-être un plus grand fini, & furtout plus d’imitation de la couleur pour graver d’après les maîtres Flamands S : Vénitiens. Il apprit de fon père les élémens de fon art, & alla fe perfectionner à Rome dans celui du deffin. Après y avoir confacré trois ans à l’étude la plus affidue, il vint à Paris exercer les grands talens qu’il avoit acquis.

Il avoit un excellent goût de deffin ; & comme îl gravoit d’après de grands tableaux, & que par conféquent fes figures étoient d’une proportion bien inférieure à celle de fes originaux, il arrivoit fouvent que fes eftampes étoient nveux deffinées que les tableaux qu’il copioit, fans qu’on pût lui reprocher d’en avoir changé le deffin. En effet, dans une fi forte réduction , un renflement ou une diminution infenfible du contour produit une différence confidérable. Ainfi le Brun traduit en gravure par Gérard Aud’-an , perdoit de la rondeur & de la péfanteur qu’on lui reproche, fans que lui-même eût pu dire comment , fous la main de fon graveur , fon deffin avûit pris un caractère plus fveke, plus méplat, plus caraélérifé. Il eft aifé de fe faire une idée de cette îbrte de correction. Suppofons qu’une figure de le Brun, qu’Audran fe propofoit de graver, eût une proportion dix fois fupérieureacelle qu’elle dev.oit prendre dans l’eftampe : fi pour rendre un membre de cette figure plus élégant , il falloir, rentrer le contour d’une dixième partie de la largeur de ce membre , fuppofition fort exagérée , cette correction étoit dans l’eftampe d’une centième partie & devenoit imperceptible -. mais fi elle n’étoit en effet que d’une cinq-centième partie ou moins encore, ce qui eft plus approchant de la vérité, comment la -vue auroit-elle pu l’apprécier . ? C’eft ainfi qu’un graveur très-habile dans l’art du deffin , peut corriger le peintre fans l’offenfer ; c’eft ainfi içiu’un graveur qui deffijse foiblement peut gâter GRA

le deffin d’un maître , en détruire le caractère fans que le maître lui-même puiffeapperce voir comment on l’a travefti , en (’imitant de fi près. Si le meilleur goût de deffin eût fait le feu ! mérite de Gérard Audran, fes eftampes devroûnt être recherchées : mais il peignoitavec la pointe ’ & le burin, & ces deux inftrumens prenoient en fa- main la facilité de la broffe. Tous les objets recevoient de fon art le caractère qui leur étoit propre. De belles fuites de tailles courtes, placées avec une négligence apparente , des travaux bruts, à l’eau-forte pure, des travaux au burin auffi bruts que ceux de l’eauforte , des points mis en quelque forte au hafard , produifent la magie de fa gravure. Dans quelques croupes de chenaux des batailles d’Alexandre , vous voyez le burin le plus ferme ; dans d’autres parties, vous ne reconnoiffez qu’une eau-forte pittorefque. Des tailles plates fuffifent à rendre les plans reculés : des points de différentes formes , de différentes groffeurs , expriment les teintes des différentes fortes de chairs. Qu’un hamme qui connoît la gravure regarde le tableau qui étoit fous les yeux d’Audran , il le gravera en imagination d’une manière toute différente : qu’il reporte fes regards fur l’eftampe, il reconno’ttra qu’on ne pou voie le graver mieux, & que même les travaux de Gérard Audran, ont un charme & une railbn que n’auroient pas tous ceux par lefquels on, les pourroit remplacer. On reconnoît que tous "lui étoient infpirés par un fentiment profond de fon art, & de celui de la peinture. Il ne peut avoir d’imitateurs ; pour graver comme lui, il faudroït être lui-même.

On voit, comme nous l’avons dit , par plufieurs parties de fes ouvrages , qu’il avoit un maniement de burin très-beau & très-hardi. Il n’auroit tenu qu’à lui de plaire p3r le méiier, s’il n’avoit pas mieux aimé fonder fa gloire fur l’art. Il eft vrai qu’il a gravé d’une manière roide au burin pur l’eftampe d’Enée Se Anchife d’après le Dominiquin : mais oelle de ia femme adultère d’après le Pouffin eft auffi au burin pur-, & il faut y regarder de fort près pour s’en appercevoir : elle eft dans fa manière ordinaire , & : au lieu de faire bailler l’outil, il n’a cherché qu’à le diffimuler. Ses chefs-d’œuvre font le Pyrrhus fauve d’après le Pouffin , le Temps qui enlève la vérité d’après le même maître , le martyre de Sainte-Agnès d’après le Dominiquin, celui de Saint-Laurent d’après le Sueur, les batailles d’Alexandre d’après le Brun , &c.

Cet artifte , qui n’a pas été remplacé , recevra toujours les hommages des vrais connoiffeurs : mais le vulgaire des amateurs lui préférera ! a manière léchée qu’il eft bien plus aifé d’acqué.ir. Pour graver, non comme Gérard

  • Audran s car" fa gravure lui appartenoit , mais

auffi