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besoin de repos. C’est pourquoi après avoir placé une couleur franche & dominante, il avoit soin de la faire suivre d’une demi-teinte ; & lorsqu’il vouloit de nouveau employer une partie brillante, il ne revenoit pas tout de suite au dégré de teinte d’où il étoit parti, mais il conduisoit l’œil du spectateur, par une gradation insensible, au même dégré de tension ; de sorte que la vue étoit réveillée de la même manière qu’une personne endormie est tirée du sommeil par le son d’un instrument agréable ; réveil qui ressemble plutôt à un enchantement qu’à un repos interrompu. » (Voyez ce que le même artiste nous a fourni sur l’harmonie du Correge à l’article Ecole.)

Mengs, a encore parlé de l’harmonie dans ses leçons pratiques de peinture. Nous allons rapporter les préceptes qu’il y a consignés, en observant cependant qu’il s’écarte quelquefois de son sujet, & que plusieurs de ses maximes se rapportent moins à l’harmonie qu’à l’art de colorer.

Il établit que les couleurs claires étant celles qui produisent la plus forte impression sur les organes de la vue, on doit les employer dans les endroits où l’on veut que l’œil du spectateur se porte & s’arrête le plus, & cet endroit doit-être la partie principale, & la plus intéressante du tableau.

« Si l’on le propose, ajoute-t-il, de produire une sensation douce, comme dans les sujets gracieux, il faut maintenir le plus qu’il est possible, la vue du spectateur dans cette sensation, & ne la lui laisser perdre qu’insensiblement. Ainsi du clair il faut le conduire, non pas à l’ombre, mais à des demi-teintes, & le guider doucement & par dégrés de la premiere ombre à des ombres plus fortes, sans passer tout-à-coup d’une faible obscurité aux plus grandes ténèbres. »

« Si, au contraire, le sujet est terrible, & demande une expression forte, les effets du tableau doivent être analogues à ce caractère ; il faut, pour les produire, opérer en raison inverse de la manière précédente. »

« Les couleurs brillantes & les couleurs mattes, doivent être employées plus ou moins abondamment, suivant que le sujet est gai ou triste, gracieux ou sombre. »

« Toutes les couleurs peuvent-être rompues par le blanc & par le noir, en les plaçant de manière qu’il en reste peu de parties éclairées, parce que toutes les couleurs se dégradent dans l’ombre & y perdent leur vivacité. »

« Le rouge demeure toujours dur quand on l’emploie pur, & qu’on ne l’enveloppe pas de quelque couleur mœlleuse qui lui serve de vehicule, en tempere la crudité & em-


pêche les rayons lumineux de réfléchir avec trop de force. »

« Le peintre doit observer de quel ton de couleur est l’accord général ; car en supposant par exemple, qu’il soit rougeâtre, on pourroit employer le rouge pour les figures du second & du troisième plans ; on se servira du bleu dans les endroits les plus proches de l’œil, & l’on procédera suivant le même raisonnement, lorsque le ton général sera d’une teinte différente. Il est rare cependant que le rouge puisse servir d’harmonie générale à un tableau, vu que cette couleur est celle qui réfléchit le plus la lumière. L’orangé, composé de la couleur la plus claire, & d’une autre qui est la plus pure, est la plus dure de toutes les couleurs mixtes. Le verd est la plus agréable, parce qu’il est formé du mêlange de la couleur la plus claire, & de la couleur la plus obscure, ce qui fait qu’il ébranle les nerfs sans les fatiguer. Le violet est, de toutes les couleurs composées, la plus forte, parce qu’il approche de la couleur la plus obscure, ce qui fait qu’il occasionne un sentiment triste. »

« On inférera de ce que je viens de dire, qu’un peut varier à l’infini toutes les couleur, & l’on connoîtra la manière de les employer avec utilité. Ajoutons que, pour parvenir à un bon équilibre des couleurs dais un tableau, il faut se rappeller que nous avons cinq sortes de matériaux ou couleurs pour rendre tous les objets de la nature, le blanc, le jaune, le rouge, le bleu, & le noir. Deux de ces couleurs sont claires, le blanc & le jaune ; deux sont obscures, le bleu & le noir. Le rouge est intermédiaire entre ces deux classes de couleurs, & je l’appelle la couleur la plus pure, parce qu’il n’appartient ni à la lumière ni aux ténèbres, & qu’il réfléchit également le jour & l’obscurité. C’est de ces seuls matériaux que se sert le peintre, & c’est en employant plus ou moins les uns & les autres, qu’il parvient à exprimer des caractères décidés & distincts, par le moyen des sensations que ces couleurs produisent sur l’organe de la vue. »

« Supposons que l’on n’employe, pour faire un tableau, que le noir & le blanc. Il sembleroit qu’il n’en résultera qu’un tout sans expression, par sa trop grande uniformité. Cependant si, eu égard au sujet que l’on veut traiter, on employe plus de blanc, ou plus de noir, ou plus ou moins de demi-teintes, on produira, malgré l’uniformité de caractère de ces deux couleurs, des sensations très-variées. Rapprochera-t-on les deux extrêmes ? l’expression sera forte &


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