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[1]L’un des genres de peinture où le vrai est le plus essentiel, c’est certainement celui que M. Vernet pratique avec tant d’éclat. Cependant, quelque admirable que soit le degré de vérité auquel il est parvenu, si la touche n’étoit pas aussi spirituelle, & son exécution aussi facile & aussi animée, il ne seroit pas ce grand peintre si jugement admiré de tous les artistes.

Concluons donc que les connoisseurs & le public sont en droit d’exiger ce vrai qui semble tendre à faire illusion ; que tout ouvrage qui s’en éloigne trop est très-répréhensible, quelques beautés qu’il ait d’ailleurs ; mais que cependant ce n’est pas la seule beauté de l’art, que ce n’est pas même celle qui sert le plus à distinguer l’excellent artiste d’avec le médiocre, & que ce n’est point celle enfin qui constitue le sublime de l’art. (Article extrait des œuvres diverses de M. Cochin.)

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IMAGE, (subst. fém.) Images qui se peignent à l’esprit, & qu’on nomme plus ordinairement idées. Voyez l’article Imagination.

Images (icones), nom que l’on donne aux tableaux qui sont l’objet du culte relatif des chrétiens du rit grec : ils regarderoient comme une idolâtrie de rendre hommage à des figures sculptées. Leurs tableaux qui se font aujourd’hui comme ils se faisoient il y a plusieurs siècles, sans qu’on se pique ou qu’on se permette d’ajouter à l’art aucune perfection nouvelle, peuvent donner une idée de ce qu’étoit devenue la peinture chez les Grecs du bas-empire. Le dessin en est roide, sans vie, sans expression ; la couleur en est monotone & rembrunie. Ces mauvais tableaux sont souvent trés-richement ornés. On a coutume d’entourer les têtes d’une auréole en relief : elle est d’or, d’argent, de cuivre doré, suivant la fortune du propriétaire, souvent même elle est chargée de pierreries. Quelquefois on recouvre le tableau entier, excepté la face, d’une plaque d’argent ou de vermeil, sur laquelle est indiqué en bas-relief le dessin de la draperie qui se trouve peinte sur l’image, & l’on encadre cette plaque de pierres précieuses. Ces tableaux doivent être peints sur bois, & suivant les anciens procédés & la vieille ignorance de l’art. La superstition grecque regarde comme profanes les productions de l’art moderne exécutées sur toile. Dans les pays du rit grec, où il se trouve des peintres artistes, ils ne sont point chargés de peindre les images saintes ; on s’adresse toujours


aux peintres imagers ; ils font une classe à part, & ne dégraderont jamais leur art sacré par aucune connoissance de l’art profane.

Parmi nous, on appelle images, les estampes grossièrement gravées, qui sont offertes à la dévotion ou à l’amusement du peuple. Elles sont ordinairement enluminées. Le commerce de ces mauvaises images a plus enrichi de marchands que celui des estampes. (Article de M. Levesque.)

IMAGINATION, (subst. fém.) Faculté que possède l’esprit, de se former des images, des idées, & de les combiner entr’elles. Si les images se succèdent avec une telle impétuosité que l’esprit ne puisse les combiner & en former un jugement, l’imagination devient folie.

Une grande vivacité d’imagination n’est point une qualité nécessaire à l’artiste, elle contrarieroit trop la lenteur des opérations de l’art. Un écrivain mettroit en peu de temps sur le papier plus d’images que le peintre n’en peut tracer au pinceau dans le cours de la plus longue vie. Le Sculpteur, à cet égard, est encore traité moins favorablement que le peintre, puisque son art opère avec encore bien plus des lenteur.

L’artiste, tourmenté par l’abondance de son imagination, & plus pressé de représenter les images qui s’offrent en foule à son esprit, qu’occupé de leur donner toute la valeur qu’elles peuvent recevoir de son art, ne fera que des esquisses d’autant plus imparfaites, qu’au moment même où il voudra les tracer, sa pensée se remplira d’images nouvelles qu’il sera impatient de produire. Il sera fou comme artiste, parce que son imagination ne lui laissera pas le temps de combiner, suivant les moyens de son art, les images qu’elle lui présentera trop abondamment.

C’est la netteté, &, si l’on peut parler ainsi, la fixité d’imagination qui lui est nécessaire. Il faut qu’il se représente bien clairement les images qui appartiennent au sujet qu’il veut traiter ; qu’il les voie comme si elles avoient une existence physique ; qu’il les juge pour adopter les unes & rejetter les autres ; qu’il les combine pour les ordonner de la manière la plus favorable à sa composition ; qu’il se les rende fixes & permanentes, pour les examiner dans toutes leurs parties, les éclairer, les colorer de la manière la plus avantageuse à son objet.

Si le peintre voit les images qui deviendront les figures deson tableau, agissantes comme elles le seroient dans la nature, il ne manquera pas de leur donner de la vie, du mouvement, de l’expression ; & ce mouvement sera juste, & cette expression sera précisément celle que doivent avoir les personnages dans l’action sup-

  1. peint, d’un plus beau faire, & représentant le même sujet, mais inférieur de conception, d’expression & de dessin ; Raphaël perdra-t-il sa supériorité ? (Note du Rédacteur.)