Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/584

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

IN D

qu’il lui avoit donné l’habitude de la négligence & de l’incorre&ion , qu’il avoit su dans la fuite bien de la peine à vaincre , pour y fubftituer une habitude contraire ; celle de mettre du choix dans fes penfées , & de les exprimer avec juftefie & précifion. Quelqu’extraordinaire que puifle paroître ce que je vais dire, il n’en eft pas moins vrai qu’en vain les peintres improvifateurs , fi l’on peut fe fervir de ce terme , prétendent que tout eft forti de leur penfée ,• & qu’il eft bien rare que , dans leurs prétendues inventions , il fe trouve quelque chofe qui ait le moindre air d’invention Sz d’originalité. Leurs compofitions font, en général , des biens-communs, fans intérêt, fans caractère, fans aucune expreffion, & on peut les comparer à des difcours fleuris où il n’y auroit aucun fens.

Je ne prétends pas cependant que le peintre renonce a l’avantage & à la néceflité d’exprimer -rapidement fes idées par des efquiffes : je penfe , au contraire , qu’il ne fauroit porter trop loin ce talent. Le feul mal qu’il y ait à craindre , c’eft qu’il n’en refte là , & qu’enfuite il ne s’occupe point à donner de la correâion à fes deflins , par l’étude de la nature , & ne prenne plus la peine de jetter les yeux autour de lui , pour voir les fecours que les ouvrages des bons maîtres , pourraient lui fournir. ( Article extrait de M. Reynolds. ) INCORRECTION, (fubft. fem.) Ce mot ne fe dit que des formes , & fe rapporte par conféquent au deflin. On ne dit pas d’un peintre , qu’il eft incorrect d’effet , de couleur , de clair-obfcur , de compofition : mais on peut lui reprocher d’être incorrect dans les contours. U incorrection ne détruit pas toujours la grâce ; le Corrège l’a prouvé. Elle aceompagne ordinairement la grande beauté du coloris , parce que le peintre craindroit de fatiguer fa couleur en revenant fur les première incorrections qui lui font échappées ; parce qu’il donne plus de foin à la beauté des tons , qu’à celle des formes , & quelquefois, même , parce qu’un vice de deflin lui pro- •eure une beauté d’effet. Il ne fe refuie point au plaifir d’étendre une belle malfe qu’il feroit obligé de refterrer , s’il donnoit à fon deflin pks d’exactitude &c. Un talent fupérieur dans quelques parties capitales de l’art fait pardonner l’ incorrection On ne connoît point de maître plus incorrect que Rembrandt, & fon incorreclion nuit à peine à fa célébrité. Comme l’école françaife eft loin de fe fignaler par les grands preftiges de la couleur , il ne lui eft pas permis de s’abandonner à l’incorreclion. ( L. )

INDIVIDUEL. ( adj. ) Ce qui appartient à I N D

4P

à un certain homme en particulier , & non pa* à l’homme en général. On dit des formes individuelles , pour lignifier celles qui diftingent fpécialement un individu. C’eft l’imitation de ces formes individuelles , qui caufe la reffemblance des portraits.

Mais ces mêmes formes dans lefquelles il fe trouve toujours quelque défectuofité , détruifent la grandeur du ftyle qui convient à la peinture de l’hiftoire. Les figures, il eft vrai , doivent même dans ce genre, être étudiées d’après nature , fans quoi l’artifte perdroit deux qualités bien effentielles, la vérité &la variété ; mais elles doivent être une imitation de la nature ennoblie , aggrandie , corrigée. On ennoblit la nature , en négligeant tout ce qui , dans le modèle , a non-feulement un caraftère bas , mais encore un caractère commun : on l’aggrandit en ne faifant attention qu’aux formes grandes, caractériftiques, &dont l’utilité eft fenfible ; en les accufant avec toute la fierté d’un artifte , fur de connoître ce qui conftitue la beauté , & en faifant abftraâion des petites formes dont l’utilité eft moins frappante : on la corrige en fupprimant les défectuofités qui n’appartiennent jamais qu’à l’individu : car fi l’on veut comparer une même forme fur un grand nombre de modèles , on reconnoîtra que ce qui eft défectueux, doit fe rapporter à la nature particulière , & non pas à la nature générale. On peut donc pofer pour maxime que la perfeftion eft la nature , & que la difformité eft individuelle. Il n’y a perfonne qui n’ait obfervé qu’en voyant une bonne imitation individuelle , c’eftà-dire , un portrait reffemblant, on croit connoître l’original. Le premier mot eft ordinairement : je l’ai vu quelque part. L’effet d’un tableau d’hiftoire eft manqué, fi l’on peut, en le voyant , dire la même chofe. Pour en être frappé comme on le doit, il faut qu’on n’ait vu nulle part d’hommes aufïi beaux , aufli nobles, auffi impofins que les héros de ce genre idéal & fublime.

On admire dans Paul Véronèfe , la grande machine de fes compofitions & la beauté de fon coloris : mais comme fes têtes font des portraits, elles n’infpirent pas ce refpect que doivent imprimer les grands perfonnages de l’antiquité. Les temps reculés où ces hommes ont vécu , nous font exagérer la beauté de leurs formes , & la fierté de leur caractère : notre imagination les aggrandit ; il faut que l’artifte les aggrandifîe comme elle. S’il nous repréfente Brutus facrifiant fon fils à la patrie fous des traits que nous pouvons vpir chaque jour , nous le trouverons d’autant moins reffemblant à l’idée que nous nous en fomme* formée , qu’il reffemblera davantage à des gens que nous connoiffons. Si les fages , les héros lu ij