Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/591

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

4J3

I N S

pofer encore à nos yeux des traits de cette {implicite que j’appelle virginale , qui ne peut partir que d’un efprit affez heureux pour ignorer les convenions, ou , au moins, pour -en connoître les dangers.

Tels font donc les moyens d’infiruilion qui nous ont paru les plus propres à taire éclorre des peintres nouveaux , 8c des talens variés. Cette marche eftplus lente fiins doute que celle de montrer fans relâche à un jeune homme adroit une pratique décidée fur tous les points mécaniques de l’art qu’il laifit en peu d’années, ~ 8c qui impofe néceffairement des bornes à fes difpofitions naturelles. Par cette méthode, fans doute , on fera plus sûr de faire beaucoup d’artiftes ; par celle que nous indiquons, ils feront des hommes diftingués , ou rien. Eh ! comme l’a dit un grand admmiftrateur : Quel befoin l’état a-t-il d’un grand nombre depeintres, defculpteurs & de graveurs médiocres ? (i) Peut-être ne trouvera- t-on pas fiifnTant que nous ayons traité d’une manière li générale l’inftrucîion convenable aux hommes deflinés aux talens , & que nous n’ayons parlé que des grandes parties relatives au deflin , au coloris & à la compofition. Cependant nous croyons avoir rempli notre objet , fans qu’il (bit néceffaire de nombrer la multitude des fciences dans lefquelles un artifte diftmgué doit être injlruic. C’eft une matière fur laquelle on a parlé dans cet ouvrage ; elle eft d’ailleurs connue de toutes les perfonnes qui cultivent les talens : mais , toujours fidèles a nos principes , nous obferverons que , de la multitude des connoiffances que de Piles 8c les autres écrivains ont indiquées , on ne doit inftruire chaque artifte que dans celles qu’il adopte par goût , & qui font propres à l’on genre & : à fon efprit , afin qu’il, ne perde pas fes forces à cueillir des fruits dont il ne pourroit faire ufage. Ce feroit aufli l’occafion de s’étendre fur la queftion intéreffante ; favoir li les hommes diftingués par leurs talens doivent communiquer la connoiffance de la peinture & de la fculpture , à prix d’argent , ou s’ils doivent répandre l’injîxuction d’une manière auffi noble que l’art lui-même. Mais , outre que ce feroit le fujet d’un long traité , il -a été difeuté avec beaucoup de détails întéreflans dans les œuvres de M. Falconet, édition de 17S6 , tome 1 , page 2.99. Cet auteur préfère ouvertement VinftruBion gratuite, & il eft peu d’ames pénétrées de la nobleffe de l’art, qui ne partagent cette généreufe opinion. Cependant nous penfons qu’un artifte , gêné dans fa fortune, eft excufaîle de fe faire dédommager, par un léger payement, de l’emploi du temps , & des frais qu^entraîne une fuite de leçons lumineufes & foignées. Mais 4») M. Necker, Compte<ren<hi en 1/82. I N T

quel eft celui qui , rencontrant un naturel doué tout à -la-fois de vertus & de difpofnions aux talens , ne renonçât au tribut qu’un tel élève n’auroit pas la facilité de payer, pour l’inftruire & même l’aider dans la longue Se difpendieufe carrière des arts ? ( Article de M- Robin. ) INTÉRÊT, (fubft. mafe. ). Nous ne prenons pas ici ce mot comme lignifiant l’avantage pécuniaire qu’un artifte retire.de fes productions ; mais dans le fens de l’impreiTion vive ou profonde que caufe un ouvrage de l’art fur l’efprit des fpeftateurs. Un livre a de l’intérêt, quand il lé fait lire avec avidité ; un tableau a de l’intérêt , quand il arrête le fpeélateur & fe fait voir long-temps avec un plaifir toujours nouveau.

Un artifte , ou même un amateur fenfibie à la belle manœuvre de l’att , peut s’arrêter longtemps avec complaifanee à confidérer une feuille de plante bien peinte , une partie peu importante par elle-même, mais traitée avec tout le ragoût du pinceau. Ce plaifir, qui n’eft fenti que par les gens du métier , ou par le petit nombre de perfonnes qui en connoiffent les détails, n’eft point affez général ni même affez vif pour mériter le nom d’ intérêt.

Pour que [’intérêt foit complet, il doit réfulter du fujet même , & de la manière dont il eft traité. Un fujet fort intéreflant par lui-même , & traité par un artifte médiocre , n’excitera, dans l’efprit du fpeélateur, que le regret de voir qu’il eft tombé en de mauvaifes mains. Pour qu’un fujet excire de l’intérêt , il faut qu’il s’explique lui-même, & qu’il offre une adion capable d’émouvoir les pallions, ou qu’il foit antérieurement connu du fpeélateur. Un enfant à la mamelle , étendu fur le feia d’une femme poignardée , & fuçant à -la -fois le lait 8c le fang de fa mère ; voilà un fujet qui s’explique affez lui-même , qui caufe par lui-même affez d’intérêt. Peu m’importe que cette femme ait été poignardée au maffacre de la S’aint-Barthélemi, au fac d’une ville, dans une fedition , ou par la rage avide des brigands : le temps, le lieu, la caufe, me font indifférens ; le fujet feul fera toujours frémir un homme fenfibie , & pleurer une tendre mère. Si je vois une jeune fille expirante fur le cerps d’un jeune homme qui n’eft plus, leur âçe leur beauté , leur malheur , m’intéreffent fans doute ; mais l’intérêt fera plus vif fi je fais que ce font deux amans, Pirame & Thifoé-, & fi je connois les caufes touchantes de leur malheur. Qu’un tableau me repréfente , dans un raudis, un vieillard Se une femme décrépite, prenant enfemble un repas agreffe , ce fujet vulgaire m’infpirera peu d’intérêt : mais fi je fais que ces deux perfonnages font Philémon & Baucis, l’idée de leur piété conjugale excitera dans mon ame