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MOU que ce changement est d’autant plus considérable que l’animal est plus grand.

Il doit considérer encore le mouvement des choses inanimées, comme des arbres dont les branches, étant agitées par le vent, font divers tours, & se ployent en plusieurs manieres, selon qu’elles sont poussées tantôt d’un côté, & tantôt d’un autre, quelquefois se renversant en arrière contre le tronc, & d’autres fois se jettant en-dehors, & se baissant vers la terre. Les plis des draperies ont presque les mêmes agitations ; car comme il sort diverses branches d’un arbre, de même il sort d’un vêtement plusieurs plis qui se répandent & se jettent en différentes manières, selon que le vent, ou le mouvement du corps les agite.

Je ne puis m’empêcher de répéter encore que tous ces divers mouvemens doivent être représentés doux, modérés & agréables, aussi bien que ceux des figures, ensorte qu’ils se fassent moins admirer par le travail & le soin qu’on aura pris à les bien finir, que par la grace & la facilité qui doit y paroître. Et comme les habits sont ordinairement pesans & tendent vers la terre, il faut, quand on veut faire jouer les plis, qu’il y ait dans la personne qui les porte un mouvement plus fort, ou bien un vent qui les agite & les soulève : mais il faut que ce vent souffle également sur toutes les autres figures du tableau, quand elles sont dans un lieu propre à le recevoir. (Article extrait de FELIBIEN).

MOYENS, (subst. masc.) Faire qu’un seul plan représente un grand nombre de plans multipliés, qu’un petit nombre de couleurs expriment toutes les couleurs de la nature, que ce qui est plat semble s’arrondir, qu’une substance dure offre la mollesse des chairs, le moëlleux des étoffes, la liquidité des eaux, la fluidité de l’air, &c. c’est produire de grands effets par des moyens disproportionnés ; &c’est cette disproportion des moyens & de leur produit qui contribue beaucoup aux plaisirs des spectateurs.

Il ne suffit donc pas que la nature soit parfaitement imitée, il faut encore que cette imitation, pour nous plaire, soit produite par des moyens dont on n’auroit point attendu de si grands effets. Les ouvrages en cire offrent assurément une imitation plus exacte de la nature que ne peut le faire la peinture ; cependant ils plaisent beaucoup moins. De la sculpture peinte fait un illusion plus parfaite que celle qui conserve la couleur de la pierre, & cependant elle cause une impression moins agréable. Ces exemples prouvent que ce n’est point parce qu’une imitation produit une illusion plus complette, & approche davantage de la vérité qu’elle a droit de nous plaire, mais parce que ses effets sont produits par des


moyens dont on ne devoit pas attendre de si beaux résultats. Si les moyenssont grossiers, peu industrieux, ou même seulement trop faciles, leur produit ne nous cause aucune surprise : pour nous plaire, il faut nous étonner. (Article de M. Levesque.)

MUSIQUE (subst. fem.). Il semble que ce mot soit étranger aux arts qui dépendent du du dessin, & qu’il n’y ait rien de commun entre un art qui procède par des sons, & un autre qui ne connoît que des formes & des couleurs. Cependant la musique & la peinture ne manquent pas de rapport techniques ; tels sont ceux des progressions des tons musicaux & des tons de couleurs ; tels encore ceux de l’harmonie musicale, & de l’harmonie pittoresque.

Mais il est entre ces arts un autre rapport qui est le sujet de cet article ; c’est celui des sentimens de joie, de tristesse, de fierté, d’abattement qu’inspirent également la musique par la voie de l’ouie, & la peinture, par celles des yeux. Comme il est nécessaire que l’artiste soit pénétré lui-même des sentimens qu’il veut exprimer, ces deux arts, ainsi que la poësie, peuvent se prêter des secours mutuels. Des vers d’Homere ont inspiré Phidias ; des tableaux, des statues ont inspiré des poëtes ; la musique peut de même inspirer le peintre ; & la peinture, le musicien. Qui doute qu’un musicien sensible aux effets de la peinture, ne puisse exalter son génie musical, en regardant un tableau dont l’effet soit analogue à ce qu’il veut exprimer en musique ? Le peintre se pénétrera de même, en écoutant, en exécutant de la musique, des sentimens qu’il veut exprimer sur la toile, & le statuaire de ceux dont il veut animer le marbre. Comme les facultés intellectuelles sont soumises dans l’homme à l’état de la machine animale, l’artiste qui ne voudra rien négliger de ce qui peut le conduire au succès, employera les moyens qu’il connoît les plus capables de monter ses fibres au ton où elles doivent être suivant les sujets qu’il se proposera de traiter. On sait que pour y parvenir, Gérard Lairesse & d’autres peintres jouoient toujours de quelqu’instrument avant de prendre la palette.

Mengs méditoit depuis deux mois le sujet du dernier de ses tableaux, l’Annonciation destinée pour le roi d’Espagne, & que la mort ne lui a pas laissé le temps de terminer. M. le chevalier Azara, son ami, entra chez lui un matin, sans être attendu, & le trouva occupé à chanter. Cette apparence de gaité le surprit de la part d’un homme naturellement sérieux, & qui, depuis la mort de son épouse, passoit sa vie dans la douleur ; mais Mengs lui apprit