Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T01.djvu/676

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M Y T Le même génie parloit à deux hommes que plus de vingt siècles séparoient.

CYCLOPES . « La terre enfanta les Cyclopes au cœur superbe : Brontes, Stéropès, & le puissant Argès, qui fournirent le tonnerre à Jupiter, & lui fabriquèrent le foudre. D’ailleurs, semblables aux Dieux, ils n’avoient qu’un seul œil au milieu du front. » C’est ainsi qu’Hésiode, dans sa théogonie, nous représente les Cyclopes. L’œil unique qu’il leur donne étoit leur seule difformité, puisque d’ailleurs ils ressembloient aux dieux. Il est vrai qu’Homère, Virgile, Théocrite nous offrent Polyphême sous des traits hideux, & que les deux premiers ajoutent à sa laideur affreuse, une taille gigantesque. Cela n’a rien de choquant dans un poëte : il parle seulement aux oreilles, & l’imagination ne se peint que d’une manière confuse toute l’horreur de l’objet ; mais le peintre parle aux yeux, il leur présente l’objet même, & doit les traiter avec plus de ménagement. C’est ce qu’a bien senti l’auteur d’un tableau du cabinet d’Herculanum. Cette peinture représente Polyphême assis sur un rocher, & tenant de sa main une lyre. Le sujet peut avoir été fourni par Théocrite ; mais le peintre, dans la représentation de cette figure, s’est judicieusement rapproché du récit d’Hérodote. Ce n’est point un géant. Comparé au petit amour qui, porté sur les flots par un Dauphin, lui apporte une lettre de Galathée, c’est un homme d’une haute taille, & de la proportion que l’on donne aux héros : sa stature qui n’est pas celle d’Apollon, & qui n’a point une sveltesse qui ne lui conviendroit pas, n’offre dans ses formes aucune pesanteur. Mais Hérodote ne donne qu’un œil aux Cyclopes, & l’artiste a reconnu que cette difformité nuiroit à son ouvrage ; il se l’est épargnée en donnant trois yeux à sa figure, deux placés à l’ordinaire, un troisième au milieu du front, & qui même, si la gravure est fidelle, est moins sensiblement exprimé que les deux autres. Il avoit pour lui des autorités : nous apprenons de Servius, que les uns donnoient un seul œil à Polyphême, d’autres deux, & d’autres trois. L’artiste devoit suivre la supposition qui lui étoit plus favorable : mais dans l’absence de toute autre autorité, il en avoit une respectable dans la loi de son art, qui lui imposoit de ne pas souiller son ouvrage par une difformité.

DIANE . Le poëte Callimaque rassemble sur cette Déesse plusieurs traits qui doivent être recueillis par les peintres. Elle obtint de Jupiter une virginité éternelle, un arc, des flèches, & l’habit, retroussé des chasseresses, qui ne descendoit que jusqu’aux genoux. Ses ar-


mes & sa ceinture étoient d’or, ainsi que son char tiré par des cerfs, qu’elle conduisoit avec des rênes d’or.

Malgré la fable de son commerce furtif avec Endymion, on doit, à l’exemple des anciens, indiquer sa virginité perpétuelle par un sein virginal. Plus que toutes les autres Déesses, elle aura la forme & l’air d’une vierge, sans en avoir la timidité. Elle est ordinairement représentée au milieu de sa course ; son regard vif & assuré porte au loin devant elle, & fixe la proie qu’elle veut atteindre. Sa coëffure est le corymbos, c’est-à-dire que ses cheveux relevés de tous côtés au-dessus de la tête, forment un nœud par derrière. Cet ajustement, qui est celui des vierges, est en même tems commode pour une chasseresse. Sa tête n’est pas ceinte du diadême surmonté d’un croissant ; elle ne porte enfin aucun des ornemens que lui ont donnés les modernes ; mais si les modernes ne sont pas autorisés par des ouvrages de l’art antique, ils le sont par des passages des anciens poëtes, & Winckelmann n’a pas droit de les condamner. La taille de Diane est plus svelte & plus légère que celle de Junon & de Pallas : on peut, à ce caractère, la reconnoître même dans ses figures mutilées. Le plus souvent elle ne porte qu’un vêtement relevé jusqu’aux genoux ; quelquefois cependant elle est vêtue d’une longue draperie, & a la mamelle droite découverte.

ESCULAPE . Ses cheveux se relèvent au-dessus de son front, d’une manière à-peu-près semblable à celle de Jupiter : on peut croire que les anciens ont voulu indiquer par ce caractère que Jupiter étoit son aïeul. Cette observation est de Winckelmann. Voyez ce que nous avons dit sur Esculape, à l’article ICONOLOGIE.

FAUNES, Voyez SATYRES.

FURIES . C’est sur la physionomie de ces divinités redoutables, que les artistes modernes cherchent à épuiser tous les caractères de la laideur : ils les représentent sous la forme de vieilles femmes d’une maigreur affreuse, dont les traits sont aussi horribles que le teint, & dont les mammelles livides & pendantes inspirent le dégoût. Telle n’étoit pas l’idée des anciens. Comme ils nommaient ces déesses Euménides, c’est-à-dire, bienfaisantes, pour ne point affliger l’imagination par le sens de l’ouïe, ils se gardoient bien de les représenter sous des traits hideux, pour ne pas attrister l’ame par le sens de la vue. Fidèles à leur. systême de n’offrir aux yeux que la beauté, & peut-être aussi craignant d’offenser ces divinités vengeresses, en leur prêtant des traits odieux, ils leur donnoient la forme de jeunes & belles