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O O du Giotto . « C’est une de ces sortes d’histoires qui ne signifient pas grand chose, & dont cependant les auteurs sont quelquefois grand bruit. Vous saurez donc que l’envoyé du pape (Benoît IX) ayant vu à Sienne & à Florence tous les peintres les plus fameux, s’adressa enfin au Giotto(pour les ouvrages dont le pontife avoit dessein d’orner l’église de saint Pierre). Après lui avoir témoigné l’intention du pape, il lui demanda quelques dessins pour les lui montrer, avec ceux qu’il avoit déjà des autres peintres. Giotto, qui étoit extrêmement adroit à dessiner, se fit donner aussitôt du papier, & avec un pinceau, sans le secours d’aucun autre instrument, il traça un cercle, & en souriant il le mit entre les mains de ce gentilhomme. Ces envoyé, croyant qu’il se moquoit, lui répartit que ce n’étoit pas ce qu’il demandoit, & qu’il souhaitoit un autre dessin. Mais Giotto, lui repliqua que celui-la suffisoit, qu’il l’en voyât hardiment avec ceux des autres peintres, & que le pape en connoîtroit bien la différence : ce que le gentilhomme fit, voyant qu’il ne pouvoit rien obtenir davantage. »

« Or on dit que ce cercle étoit si également tracé & si parfait dans sa figure, qu’il parut une chose admirable quand on sut de quelle sorte il avoit été fait, & ce fut par-là que le pape & ceux do sa cour comprirent assez combien Giotto étoit plus habile que tous les autres peintres dont on lui envoyoit les dessins. Voilà l’histoire de l’O du Giotto, qui donna lieu aussi-tôt à ce proverbe Tu sei piu tondo che l’O di Giotto, pour signifier un homme grossier & un esprit qui n’est pas fort subtil. « « Il semble par-là que le plus grand savoir de tous ces anciens peintres existât dans la subtilité & la délicatesse de leurs traits ; car ce fut par des lignes très subtiles & très déliées, qu’Apelle & Protogène disputèrent à qui l’emporteroit l’un sur l’autre, & Protogène ne céda à Apelle que quand celui-ci eut coupé avec une troisième ligne plus délicate les deux qu’ils avoient déjà tracées lune sur l’autre. A vous dire le vrai, ni l’O du Giotto, ni ces lignes d’Apelle & de Protogène ne sont point capables de nous donner une haute idée de leur savoir. (Felibien.) »

On reconnoît, dans le passage que nous


venons de citer, le langage d’un homme qus connoît les arts, & qui ne rapporte pas avec admiration ce qui n’est admirable qu’aux yeux de l’ignorance. Tout ce que prouve le cercle tracé sans compas par le Giotto, c’est qu’il avoit la main très sûre, & qu’il pouvoit tracer un beau contour avec fermeté s’il avoit ce beau contour dans la tête, ou s’il savoit le choisir dans la nature : il restoit donc à savoir, & c’étoit le principal, s’il avoit la tête ainsi meublée & s’il étoit capable d’un pareil choix ; à ces conditions, la fermeté de sa main devenoit une qualité estimable. L’Officier du pape raisonnoit donc mieux que ce pontife & toute sa cour, quand il demandoit au peintre un autre dessin.

Quand le Poussin traçoit d’une main tremblante le beau tableau du déluge ; quand Jouvenet paralytique peignoit de la main gauche son Magnificat, ni l’un ni l’autre de ces artistes n’auroit tracé un cercle sans compas, & tous deux firent des ouvrages bien supérieurs à ceux du Giotto. l’Adresse de la main peut aider un artiste, mais le véritable principe de son talent est dans son esprit. C’est abbaisser les arts, c’est n’en avoir pas le sentiment, que d’élever trop haut la partie purement manuelle. (L.)

OBJET (subst. masc.) Ce mot signifie la fin qu’on se propose. Dans ce sens, le premier objet des arts qui tiennent au dessin est d’instruire en plaisant à l’esprit parle sens de la vue. Cet objet important est souvent offert au premier des genres, celui de l’histoire. Une action noble, grande, vertueuse, mise sous les yeux des spectateurs, peut les engager à l’imiter. Cet Objet n’est pas même étranger à des genres inférieurs. Un paysage bien représente peut inspirer ces goûts simples & purs que fait naître l’aspect de la campagne ; le portrait d’un homme qui s’est rendu précieux par ses talens, ses vertus, excite à marcher sur ses traces.

l’Art donne aussi des instructions qui ne sont pas morales, mais dont on ne peut contester l’utilité. Il fait connoître des lieux, des animaux, des végétaux qu’on n’est point à portée de voir. Il sert ainsi le guerrier, l’architecte, l’anatomiste, l’érudit, le narturaliste.

Souvent, il en faut convenir, l’art n’a d’autre

Beaux-Arts. Tome I. C c c c