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ORD brillant & lumineux qui lui sert de fond : ils suivront le même raisonnement pour ce que j’ai dit sur le mouvement des membres ; mais au moins m’accorderont-ils que ces idées sur les détails, se rendent mieux encore par les mots comparaison & contrastes ; que ces mots mêmes sont techniques ; au lieu qu’on n’en cannoît pas d’autres qu’opposition pour les parties auxquelles je pense qu’il faut seulement l’appliquer, savoir, aux grands effets de composition & d’expression, & qu’il peut servir avec plus d’avantage pour rendre les impressions du coloris & du clair-obscur, seulement dans les grands partis.

Simplifier, ôter toute confusion, me paroissent la bonne manière de bien classer les idées, de les rendre claires, & il me semble que ces moyens sont les seuls pour la perfection du langage, & pour celle des Arts. (Article de M. ROBIN.)

OR . (subst. masc.). Il ne faut qu’un artiste ignorant, desirant de plaire à un amateur plus ignorant que lui, pour introduire des pratiques funestes à l’art. Ce fut ainsi que commença l’usage d’employer l’or dans la peinture. Le pape Sixte IV appella de Florence plusieurs peintres pour décorer sa chapelle. L’un d’eux, Cosme Rosselli, stérile dans l’invention, peu savant dans le dessin, & d’autant plus jaloux de l’emporter sur ses émules qu’il leur cédoit davantage par le talent, imagina, pour fasciner les yeux, d’employer les couleurs les pues vives, les plus tranchantes, & de les rehansser par l’éclat de l’or. Sa charlatanerie out tout le succès qu’il en avoit attendu. Quand les tableaux de la chapelle furent découverts, le Pape fut ébloui de l’éclat que jettoient ceux de Rosselli, & non content de lui donner la préférence sur ses rivaux, il voulut qu’ils retouchassent leurs ouvrages, & qu’à l’exemple de celui qu’il déclaroit leur vainqueur, ils y prodiguassent l’or & l’azur.

Le Pinturicchio enchérit encore sur la maniere du Rosselli. Curieux de séduire les personnes qui ne jugoient du mérite des ouvrages que par leur éclat, il faisoit de relief les ornemens de ses peintures, & les enrichissoit d’or. Les bâtimens qu’il introduisoit dans ses tableaux, avoient autant de saillie que les sculpteurs en donnent à leurs bas-reliefs : il n’a pas eu d’imitateurs dans cette innovation.

Mais l’usage d’introduire l’or dans les tableaux eut plus de durée. Michel-Ange lui-même paroît avoir eu dessein de s’y soumettre dans les ouvrages qu’il faisoit pour le chapelle Sixtine. Le pape Jules II l’en pressoit : la nécessité de s’accorder avec les autres tableaux qui ornoient cette chapelle, lui en faisoient, en


quelque sorte, une loi de convenance : mais l’impatience du pontife qui le hâtoit de finir, & le menaçoit même de le jetter du haut de ses échaffauds, ne lui permit pas de donner à ses peintures cette décoration barbare.

Raphaël, dans sa jeunesse, sacrifia, comme le Pérugin, son maître, au goût général. Dans son tableau connu sous le nom de Théologie, il représenta des Anges & des Chérubins entourés de rayons d’or en relief. Il ne pouvoit alors avoir puer de vingt ans, & ce n’est point à cet âge qu’un Artiste peut lutter contre l’opinion commune. Mais il sentit bientôt que l’or ne s’accorde point avec les couleurs, & que le but de peintre n’est pas de faire des reliefs, mais d’imiter l’apparence du relief sur une surface plane. Ses disciples & ses contemporains suivirent son exemple, & l’orfut exilé de la peinture.

On continua seulement dans des chapelles & dans des appartemens, où la richesse & le luxe sont plus consultés que le goût, de peindre sur des panneaux dorés, & de réserver ce fond pour servir de champ au tableau. On a de ce genre des ouvrages d’habiles maîtres, même de le Sueur. Mais il est aisé de sentir que ces peintures qui semblent découpées collées sur une surface d’or, ne peuvent faire aucune illusion, ni produire un heureux effet. Il est dans la nature, que la vue soit principalement attirée par ce qui a le plus d’éclat : le fond, dans ces sortes d’ouvrages, attire donc principalement les regards, & ne leur permet pas de s’arrêter aux objets qui y sont représentés. (L.)

ORDONNANCE (subst fem.). C’est le résultat da la disposition des objets qui sont représentés dans les ouvrages de l’art. L’ordonnance est confuse quand l’ouvrage est surchargé d’objets qui se nuisent les uns aux autres par leur disposition ou par leur multiplicité. Elle est riche non par le grand nombre des objets, mais quand l’artiste a su la disposer de manière que le champ ne semble pas réduit à une sorte de nudité qui annonce dans l’auteur un défaut de génie. Elle est pauvre, quand elle ne répond pas à la richesse du sujet. Elle est nette, quand tous les objets, sans être isolés ou découpés, se distinguent cependant au premier coup-d’œil. Elle est embarrassée quand elle offre des parties que le spectateur ne démêle pas aisément.

La belle ordonnance differe, je crois, de l’ordonnance riche. La première suppose de la simplicité, la seconde de l’abondance. Les ordonnances de Paul Véronese étoient ordinairement riches ; celles de Raphaël & des grands maîtres de l’école romaine étoient ordinairement belles. Le caractère de celles de Rubens étoit