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variétés dans l’expression des passions, cette expression est également modifiée par le caractère propre à chaque âge & à chaque sexe, ainsi que par les qualités individuelles de chaque homme en particulier. Les déterminations caractéristiques de sa nature morale, & les propriétés de la structure & de l’organisation de son corps, varient de mille manières ses sentimens & leurs expressions, sans cependant en altérer l’essence. L’un est, en tout, plus impétueux, plus fort, plus léger ; l’autre plus indolent, plus foible, plus lourd : tandis que l’un exprima déjà, l’autre est encore immobile. l’impatience fait tourner en tout sens le corps de celui-ci ; chez celui-là le mécontentement, l’indignation même, ne s’annoncent que par les jeu de la physionomie : ce qui fait éclater de rire le premier, ne fait qu’à peine appercevoir le sourire sur les lèvres du second.

La même observation a lieu à l’égard des états. Le serrement de main, le baiser, l’embrassade sont trois manières d’assurer quelqu’un de son amitié. La première est la plus foible, parce qu’elle ne fait que réunir deux des extrémités du corps ; la dernière est la plus forte, parce qu’elle rapproche entièrement les deux individus, & semble ne faire qu’un seul tout de leurs deux corps. Les gens chez qui la politesse est devenue une espèce de vertu, & qui l’ont réduite en art, se précipitent dans les bras l’un de l’autre, lorsque la véritable expression se borneroit à faire quelques pas en avant d’un air ouvert & amical. L’habitant de la campagne, enfant chéri de la nature, sait aussi embrasser ; mais il réserve cette dernière expression de l’amour pour les momens de transport, comme, par exemple, lorsqu’un fils, après une longue absence, revient à la maison paternelle : l’amitié ne lui commands qu’un serrement de main ; mais comme c’est l’expression du cœur, elle est pleine de force, d’énergie & de chaleur. Vous voyez qu’encore ici il nous reste un trait essentiel & général, savoir le penchant ou la tendance à s’unir, qui est une suite naturelle de l’amitié. Toute la différence que mettent dans cette expression les différentes classes de la société, c’est le degré & l’intimité de l’union.

C’est sur ces traits essentiels, généraux & naturels, qu’il faut établir les principes fondamentaux de la théorie de la pantomime, en faisant abstraction de tout ce qui est individuel ou local. Sans cette restriction la matière seroit trop étendue ; d’ailleurs ce rapprochement des traits généraux fourniroit une connoissance plus philosophique que celle qui ne seroit fondée que sur des observations particulières dont le résultat ne seroit qu’une con-


noissance historique. Quant aux observations particulières, l’artiste peut faire dans la société celles qui appartiennent à son pays, & trouver les autres dans les récits des voyageurs & des historiens.

Pour rendre encore le travail plus facile, il est à propos de classer les différentes modifications du corps. Elles le partagent en deux espèces principales : celles qui sont uniquement fondées sur le mécanisme du corps, comme par exemple, l’affaissement des paupières à l’approche du sommeil ; & celles qui, dépendant davantage de la coopération de l’ame, nous servent à juger de les affections, de ses desirs, comme causes occasionnelles ou motrices.

Il seroit inutile & même ridicule d’entrer dans le détail des modifications de la première espèce : tout le monde sait que le sommeil oblige à fermer les yeux, &c. C’est à l’artiste lui-même à faire, sur la nature, les observations de ce genre. Elle lui en offrira qui lui pourront suggérer de très-heureuses imitations. Nous en allons citer un exemple fourni par une actrice, & l’on ne peut dire que cet exemple soit déplacé, puisque le peintre cherche ainsi que le comédien à représenter la nature sa vérité.

Si cette actrice avoit négligé l’étude d’observation, & ne s’étoit jamais trouvée à côté du lit d’un mourant, elle auroit perdu un des traits les plus fins & les plus heureux. On a remarqué que les personnes agonisantes ont coutume de pincer & de tirer légèrement, avec le bout des doigts, leurs vêtemens ou les couvertures de leur lit. Notre actrice, au moment où son ame étoit supposée près de quitter le corps, fit appercevoir tout-à-coup, mais seulement dans les doigts de son bras étendu, un fort léger spasme ; elle pinça sa robe, & son bras s’affaissa aussi-tôt. Cette comédienne donnoit une leçon aux artistes. Ils ne doivent pas représenter la défaillance & les approches de la mort aussi effrayantes qu’elles le sont trop souvent dans la nature ; à moins qu’ils ne représentent un coupable mourant sans l’agitation des remords, ils doivent donner à leurs personnages un dernier soupir, tel que chacun voudroit l’avoir à son dernier instant. Alors ils toucheront, au lieu de faire horreur.

Les modifications que causent au corps les opérations de l’ame n’ont pas leur siége dans une seule partie. L’ame exerce sur tous les muscles un pouvoir égal, &, dans plusieurs de ses affections, elle agit sur tous en général. Chaque membre, chaque muscle parle dans la figure du Laocoon.

Mais la partie la plut éloquente est le visage, & les parties les plus expressives du vi-


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