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P À Y pratique qui leur manque ; mais on peut les aider à faire quelques observations.

Tout arbre cherche l’air comme la cause de sa vie. Aussi dans leur accroissement, tous, si l’on en excepte le cyprès & quelques arbres du même genre, cherchent, autant qu’ils le peuvent, à s’écarter les uns des autres, & de tout corps étranger ; leurs branches, leurs feuilles montrent le même penchant. L’art doit exprimer dans la distribution des branches, des touffes, des feuilles, cet amour de la liberté qui fait leur caractère ; il faut qu’elles se fuyent, qu’elles s’écartent les unes des autres, qu’elles tendent à se porter à des cotés différens. Rien, en tout cela, ne doit sentir l’arrangement ; cette diversité doit ressembler à un jeu du hazard, à un caprice de la nature qui souvent paroît bizare, quoique jamais elle n’agisse sans cause.

Les ouvrages des grands maîtres, le spectacle de la nature, en apprendront, à ce sujet, bien plus que de longs discours.

« Parmi un assez grand nombre de ces maîtres de toutes les écoles, je préférerois les estampes en bois du Titien, où les arbres sont bien formés, & celles que Corneille Cort & Augustin Carrache ont gravées. Ceux qui commencent ne sauroient mieux faire que de contracter, avant toutes choses, i’habitude d’imiter la touche de ces grands maîtres, &, en les imitant, de réfléchir sur la perspective des branches & des feuilles, & de prendre garde de quelle manière elles paroissent lorsqu’elles montent & qu’elles sont vues par dessous, lorsqu’elles se présentent par dessus, lorsqu’elles se montrent de front & qu’elles ne sont vues que par la pointe, lorsqu’elles se jettent de côté, & enfin aux différens aspects dont la nature se a présente sans sortir de son caractère. »

On copiera donc au commencement les estampes du Titien & des Carraches, & même leurs dessins, si l’on peut s’en procurer, & l’on tâchera ensuite d’imiter leur touche au pinceau. Si l’on ne peut avoir pour originaux les tableaux de ces maîtres, on cherchera du moins à étudier les ouvrages de ceux qui ont le mieux réussi dans ce genre. De ces études préparatoires, on passera à celle de la nature qu’elles auront appris à bien lire : car étant impossible, dans le paysage, de la copier avec la précision qu’on peut mettre dans l’étude d’une tête, il est nécessaire d’apprendre d’abord, par l’exemple des maîtres, comment il faut la voir, la choisir, la saisir & en représenter une apparence séduisante, dans l’impossibilité ou l’on est d’en représenter une copie fidelle.

Ceux qui ont déjà quelqu’habitude de dessiner ou de peindre le paysage doivent amas-


ser des matériaux, & enrichir leurs porte-feuille d’études faites sur la nature ; ces études, qu’ils auront de fréquentes occasions d’employer, répandront la vérité dans leur ; ouvrages, & leur donneront un prix que ne pourront disputer les artistes qui se livrent uniquement à la pratique.

« Je souhaiterois que le peintre copiât d’après nature les effets différens que l’on remarque aux arbres en général, & qu’il fit la même chose sur les différentes espéces des arbres en particulier, comme dans la tige, dans la feuille & dans la couleur. Je voudrois même qu’il en fît autant pour quelques plantes dont la diversité est d’un grand ornement pour les terrasses qui sont sur les devans. « « Je voudrois encore qu’il étudiât de la même manière les effets du ciel dans les différentes heures du jour, dans les différentes saisons, dans les différentes dispositions des uages, dans un temps serein, & dans celui des orages & des tonnerres. J’en dis autant pour les lointains, pour les différens caractère des eaux, & des principaux objets qui entrent dans le paysage. »

Différens maîtres ont employé des procédés différens pour faire ces études. Les uns se sont contentés de dessiner les formes, les effets, les accidens dont ils étoient frappés. D’autres se munissant d’une boëte à couleur portative, les ont peints sur du papier fort (1), d’autres se sont contentés de tracer les contours des objets & de les laver en couleurs à l’eau ; méthode par laquelle en n’atteint pas à la même vérité qu’avec les couleurs à l’huile, mais qui offre du moins des soulagemens & des secours à la mémoire. Quelques-uns se sont contentés d’observer attentivement, & se sont fiés à leur mémoire du soin de conserver ces observations ; méthode hazardeuse, ou plutôt toujours insuffisante. Quelques autres ont joint ensemble les pastels & le lavis. D’autres plus soigneux, traçoient la première fois à la campagne le contour des objets qu’ils croyoient dignes de leurs études, & retournoient ensuite les revêtir des couleurs qu’offre la nature, & des effets que procurent les variétés de la lumière.

Mais si l’artiste ne peut pas toujours se livrer à des pratiques qui supposent des préparatifs & de l’embarras, il peut du moins avoir toujours sur lui du papier & du crayon. Il doit donc se tenir toujours prêt à dessiner ce qu’il remarque d’extraordinaire ou d’intéressant pour son art, & marquer chaque objet d’un signe qui en indiquera les couleurs, (2) mais pour tirer

(1) M. Vernet, amant qu’il l’a pu, a toujours peint Ces études d’après nature.

( 2) C’elt ce qu’a pratiqué M. Vernet, quand il jj’svoit pas !a commodité de peindre,

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