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P E I maîtres, à ce qu’il avoit été obligé de chercher lui-même en tâtonnant les procédés du métier, & à ce qu’il avoit commencé trop tard à pratiquer ce qu’on peut proprement nommer l’art. Il devoit donc pécher dans la manœuvre, ce qui ne fit aucun tort à sa réputation ; car les anciens daignoient à peine faire attention à cette partie inférieure, dont les modernes ont fait trop souvent la partie capitale.

(20) MÉLANTHIUS ou Mélanthus étoit, ainsi qu’Apelles, élève de Pamphile ; il s’est distingué par le même caractère de talent que son maître ; & ce caractère étoit celui de la sagesse. Il a écrit sur la peinture.

(21) ASCLÉPIODORE, contemporain d’Apelles, étoit admiré de ce peintre, pour son exactitude dans les proportions. On peut juger, non du mérite des Artistes, mais de l’opinion que leurs contemporains avoient de leur mérite, par le prix qu’on mettoit à leurs ouvrages. Le tiran Mnason fit peindre les douze Dieux par Asclépiodore, & lui donna de chaque figure trente mines, ou 2700 livres de notre monnoie.

(22) NICOPHANE étoit compté entre les plus grands Artistes de son temps par l’élégance & l’agrément de ses ouvrages. Il avoit une grande vivacité de conception & d’exécution. Il se plaisoit à peindre des courtisanes : on a fait le même reproche à Aristide.

(23) NICOMAQUE, fils & éléve d’un peintre nommé Aristodeme. Pline lui donne place avec Apelle, Protogêne, Asclépiodore : Plutarque compare sa manière facile de peindre à celle dont Homère faisoit des vers. Il se distinguoit de tous ses contemporains par cette facilité qui ne semble pas avoir nui à son talent. Aristrate, tiran de Sicyone, le manda pour peindre un monument qu’il vouloit consacrer à la mémoire du poëte Télestus. Le jour où l’ouvrage devoit-être fini étoit fixé. Nicomaque ne vint que quelques jours plutôt. Le tyran irrité vouloit le faire punir ; mais le peintre eut fini l’ouvrage au tems marqué, & avec autant d’art que de vitesse. Cet Artiste étoit l’opposé de Protogenes pour l’éxécution.

Quelqu’un critiquoit devant lui l’Hélene de Zeuxis, & ne la trouvoit pas belle. « Prends mes yeux, lui dit Nicomaque, & elle te paroitra une Déesse. » On pourroit souvent répondre à ceux qui critiquent les chefs-d’œuvres de l’art. « Prends les yeux d’un artiste, & tu en reconnoîtras les beautés. »


(24) ANTIPHILE né en Egypte, a travaillé en grand & en petit. On cite de lui des sujets qui, s’il étoient traités d’une manière conforme à sa réputation, exigeoient de la beauté, tels que son Hésione, sa Minerve, son Bacchus ; d’autre qui exigeoient de l’expression, tels que l’Hippolyte saisi d’effroi à la vue du taureau envoyé contre lui. Il a peint une figure ridicule qu’il appelloit en riant gryllos, le pourceau : c’est de là que les anciens ont nommé grylles les peintures comiques, que les modernes appellent bambochades.

Pline, liv. 35, chap. 10, Théon le sophiste, Varron, placent cet Artiste dans la premiere classe, ce qui engage M. Falconet à faire un autre Antiphile de celui que Pline, chap. 11, nomme entre les peintres qui ont approché des plus grands maîtres : mais on peut supposer à Pline une distraction dont M. Falconet ne doit pas le croire incapable. Comme Antiphile approchoit beaucoup des plus grands maîtres par le talent, Pline l’aura placé avec eux ; & dans un autre chapitre, songeant qu’il leur étoit cependant inférieur, il l’aura pu mettre dans la seconde classe, & oublier de rectifier ce qu’il avoit déja ecrit. Ce qui me feroit presumer que l’Antiphile des deux chapitres est un même homme, c’est que celui que Pline a placé dans la première classe étoit d’Egypte, & que celui qu’il range ensuite dans la seconde a peint Ptolemée roi d’Egypte chassant ; d’où je conclurois qu’il est encore le même que le peintre Antiphile dont parle Lucien, qui étoit attaché au Roi Ptolemée, & qui, jaloux d’Apelle, osa l’accuser d’être entré dans une conspiration : calomnie qui auroit couté la vie au peintre chéri d’Aléxandre, s’il n’avoit été justifié par la déposition des conjurés. On distinguoit entre les ouvrages du second ou du seul Antiphile un très-beau satyre couvert d’une peau de Panthere, & un jeune homme soufflant un feu qui éclairoit en même temps sa bouche & l’appartement ; effet qui, s’il étoit bien rendu, suppose dans l’Artiste une grande intelligence du jeu de la lumière, & un grand talent à exprimer ce qu’on appelle les effets de nuit, si la scène se passoit pendant la nuit, ou à bien marquer la différence de la lumière artificielle & de la lumiere naturelle, si elle se passoit pendant le jour. Ces deux talens ne sont pas des parties méprisables de la magie du clair-obscur, & sur le peu qui nous reste des monumens de l’art antique, & des écrits qui traitoient de cet art, il seroit téméraire de prononcer qu’elle ait été inconnue aux peintres de l’antiquité.

L’Antiphile nommé par Pline dans la seconde classe, avoit peint aussi une fabrique


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