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d’ombre. Il a dans la suite mieux ménagé les passages de la lumière, & insensiblement l’œil passe d’un ton à l’autre sans s’en appercevoir. »

Il faut ajouter qu’il avoit, dans la plupart de ses compositions, une noblesse trop rarement connue de ses compatriotes. Ses figures avoient de la grace, elles représentoient des personnes distinguées & étoient noblement & pittoresquement vétues. On peut lui reprocher généralement un ton trop bleuâtre ; foible défaut, réparé par les agréables qualités qui le distinguent. Il ne quitta jamais sa ville natale, & y mourut en 1668, âgé de quarante-huit ans.

Le cabinet du roi renferme cinq tableaux de ce maître : un retour de chasse ; des cavaliers à la porte d’une hôtellerie ; une écurie avec quelques chevaux ; une chasse au vol ; une halte de chasse. Ces tableaux sont peints sur toile. Ceux du duc d’Orléans sont peints sur bois : ils représentent une dame à cheval, l’oiseau sur le poing ; un départ de chasse ; la curée du cerf, une chasseresse avec des chasseurs.

Son œuvre gravée est très considérable : il est fâcheux qu’on y trouve un si grand nombre d’estampes de Moyreau, qui a gravé d’une manière molle & sans esprit, ce peintre qui avoit de la fermeté dans la touche, & de l’esprit dans l’exécution. Philippe Wouwermans a eu deux frères, Pierre & Jean, tous deux peintres.

Pierre Wouwermans peignoit dans le goût de Philippe & lui étoit fort inférieur, quoiqu’on ne puisse lui refuser du talent.

Jean Wouwermans peignoit aussi le paysage ; il est mort jeune, il a laissé peu de tableaux. Ils sont estimés.

(187) Pierre François Mola, que nous appellons le Mole, de l’école Lombarde, naquit à Goldre, dans le Milanez, en 1621. Son père qui étoit peintre & architecte, seconda les dispositions naissantes de son fils. Il le plaça d’abord à Rome dans l’école du Josepin, & ses affaires l’appellant ensuite à Bologne, il le mit sous la discipline de l’Albane. Ni l’une ni l’autre de ces écoles ne s’accordoient avec le caractère particulier du Mole, qui le saisoit incliner vers le ton le plus vigoureux de couleur. Il craignoit de ne pouvoir jamais le monter assez haut, & le Guerchin étoit son maître favori. Il s’apperçut cependant que ce peintre n’avoit pas assez de fraîcheur, il espéra de trouver à Venise de meilleures leçons, & il alla étudier en cette ville les ouvrages du Titien. Il joignit à cette étude celle du Bassan, peintre qui donneroit de mauvaises leçons de la poësie historique dans la peinture ; mais qui peut en donner d’excellentes pour la couleur.

Il revint à Rome jouir de la plus grande réputation & fut employé par les papes Innocent X & Clément VII. On admira surtout un grand tableau représentant Joseph reconnu pas ses frères, qu’il peignit dans la galerie de Monte-Cavallo.

Louis XIV l’appella en France, & le Mole alloit se rendre à l’invitation de ce prince ami des arts, lorsqu’il mourut subitenent en 1666 à l’âge de quarante-cinq ans.

Comme il donna beaucoup de temps à l’étude avant de se faire connoître, il n’a pas laissé un grand nombre d’ouvrages.

Le roi posséde cinq tableaux de ce peintre : une sainte-famille, ouvrage fin de dessin, suave de couleur, harmonieux d’effet, élégant dans la noble simplicité des figures : la prédication de Saint Jean, tableau d’une manière forte, d’un fairefacile, d’un bon caractère de dessin. La composition en est bien raisonnée ; Herminie sous l’habit de bergère ; Tancrede blessé, ouvrages dignes de son auteur ; mais sur-tout Saint Bruno dans le désert ; l’attitude du Saint est belle, la figure bien drapée, la tête d’une excellente expression ; un beau ton de ciel, une couleur vigoureuse & dorée.

Le tableau de Joseph se faisant reconnoître par ses frères a été gravé par Carle Maratte.

Jean Baptiste Mola ou Mole, vivoit dans le même temps, & étoit né en 1620. On le dit François, sans donner aucune preuve de cette opinion. On ajoute même qu’il fréquenta quelque temps l’école du Vouet. Il fut, ainsi que le célèbre Mole, disciple de l’Albane, & fut toujours imitateur de son maître ; mais il est dur & sec de pinceau dans les figures. Il peignoit très bien le paysage, & avoit un excellent feuillé.


(188) Les deux frères Courtois n’appartiennent à l’école Françoise que par leur naissance. C’est en Italie qu’ils se sont perfectionnés dans leur art, qu’ils l’ont exercé, qu’ils ont vécu, qu’ils sont morts.

Jacques Courtois, dit le Bourguignon, & beaucoup plus connu par ce surnom que par le nom de sa famille, naquit en 1621 dans la ville de Saint-Hippolyte en Franche-Comté. Son père qui étoit peintre lui donna les premiers principes de son art. Mais dès l’âge de quinze ans Jacques alla à Milan, se lia avec un officier François, & suivit l’armée pendant trois ans, dessinant les marches, les attaques, les batailles. Il se mit ensuite sous la conduite d’un peintre Lorrain, eut occasion dans cet attelier de se faire connoître du Guide qui le prit en amitié & le mena à Bologne où il lui fit connoître l’Albane. Jacques puisa de savantes leçons dans la familiarité de ces deux grands maîtres. Il passa ensuite à Florence, & se fixa


Beaux-Arts. Tome II. N