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tres ouvrages encore plus importans, & le Bernin, vaincu lui-même par l'opinion géné rale, ne put s'empêcher de parler favorablement de Carle Maratte au pape Aléxandre VII. Rien ne s'opposa plus à la fortune de ce peintre ; tous les pontifes, qui de son temps, siégèrent sur la chaire Romaine furent ses protecteurs, employèrent & récompensèrent ses talens. Sa réputation se répandit dans les pays étrangers, les Cours cherchèrent à se l'attacher ou voulurent du moins avoir de ses ouvrages ; Louis XIV lui demanda le tableau de Daphné, & ne pouvant posséder cet artiste dans ses États, il se l'attacha en lui donnant la qualité de son peintre ordinaire.

Quand le Maratte n'auroit rien produit qui méritât i'estime de la postérité, elle ne pourroit encore lui refuser la plus vive reconnoissance, puisque c'est à lui qu'elle doit la conservation des chefs-d'œuvre de Raphaël & d'Annibal Carrache qui sont dans le Vatican & dans les deux Palais Farnese. Bien des artistes inférieurs à Carle Maratte auroient dédaigné le mérite de simples restaurateurs : mais il ne vit que la gloire de deux grands maîtres qu'il révéroit, & il augmenta la sienne en paroissant la négliger.

Le pape Clément XI lui conféra pompeusement l'ordre du Christ au Capitole, & il voulut que son neveu, l'abbé, depuis cardinal Albani, prononçât le discours de cette réception. Carles Maratte avoit un dessin correct, mais on sent qu'il avoit négligé l'étude de l'antique. Il est riche dans ses ordonnances ; mais quoique ses compositions aient de la noblesse, & même de la magnificence, elles ont quelque chose de froid & de recherché, & n'ont rien de l'élans dit génie. Il est aimable, mais foible dans ses expressions. Ses airs de têtes ont de la beauté ; celles d'Anges & de Vierges sont agréables & tiennent quelque chose de la grace. Sa manière est grande & large, mais quelquefois molle, & les formes ne sont pas fermement décidées ; on y trouve la justesse, on y cherche le sentiment. Son style est soigné, mais il tient de la maniere. Il se piquoit d'entendre parfaitement l'art de draper ; cependant ses draperies sont lourdes ; on voit qu'elles sont le fruit d'une étude qui n'est pas exempte d'affectation. Il avoit peu d'intelligence des reflets. Quelquefois sa couleur est foible & tombe dans le gris : c'est lui qu'on doit accuser peut-être d'avoir induit ses successeurs à donner dans la farine. Ce fut le défaut de sa vieillesse ; mais la couleur de ses beaux ouvrages est suave, argentine & même vigoureuse.

Ce fut un peintre digne de beaucoup d'estime, & on petit l'appeller le dernier des Romains : mais son esprit avoit peu de force, & il doit ce qu'il a de grand aux grands exemples qu'il a suivis. Il est capable de plaire, mais non de maîtriser l'imagination par des beautés supérieures : il n'a point un caractère original, ni cette heureuse inspiration qui impose aux spectateurs le devoir d'admirer. On reconnoît qu'il est un très bon peintre ; mais on croit qu'il n'auroit été que médiocre, si de grands peintres n'avoient pas vécu avant lui ; qu'il doit son existence à Raphaël, au Carrache, au Guide, au Sacchi ; que ses beautés ne sont que d'emprunt, qu'elles n'ont rien de frappant non plus que ses défauts, & qu'il n'a égalé ses modèles dans aucune partie de l'art.

Il tira, dit M. Reynolds, le meilleur parti qu'il lui fut possible de la portion de talent dont il étoit doué : mais on ne sauroit nier qu'il eut une certaine pesanteur qui, chez lui, se fait sentir uniformément dans l'invention, l'expression, le dessin, le coloris, & l'effet général de ses ouvrages.

Cet artiste laborieux ne quitta les pinceaux que lorsque ses mains tremblantes refusèrent de les soutenir. Il devint aveugle dans les derniers temps de sa vie qu'il termina en 1713, à l'âge de près de quatre-vingt neuf ans.

Le cabinet du roi renferme cinq tableaux de ce maître. On en voit deux au palais-royal.

Il a gravé lui-même à l'eau-forte. N. Dorigny a gravé d'après lui les beaux-arts jugés par la sotise, l'école du dessin, l'adoration des rois : Jac. Frey, la mort de Saint François Xavier : Van Auden-Aert la mort de la Vierge & une Sainte-Famille : François Bartolozzi, Rébecca prête à quitter son pays.


(199) Pierre Boel, de l'école Flamande, né à Anvers en 1625, excella dans le genre des fleurs & des animaux. Il voyagea à Rome, à Venise, dans la plupart des villes d'Italie, voyant par tout accueillir son talent. A son retour, il fit quelque séjour à Paris & auroit pu s'y fixer ; mais il abandonna plusieurs ouvrages commencés pour retourner dans sa patrie. Il peignoit en grand, ne faisoit rien que d'après nature, avoit une belle touche & une couleur vigoureuse. On ne sait point l'année de sa mort.


(200) Paul Potter, de l'école Hollandoise, naquit en 1625 à Enkhuissen, & n'eut d'autre maître que son père, peintre médiocre. Lui-même fut regardé comme un maître habile dès l'âge de quinze ans, & jouit de la plus grande considération à la Haye où il s'établit. Quelques dégoûts l'engagèrent à se retirer à Amsterdam. Il peignoit le paysage & les animaux en grand & en petit ; mais ses petits tableaux sont les plus recherchés, &