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on. croît fentir que ce mérîce eft le produit de l’imitation , & que l’auteur n’eût pas fait ces tableaux , s’il n’avoit pas été précédé par le Sueur & par le Pouffin. Peut-être, que fi ces morceaux euffent été entrepris par ces deux peintres, ils ne fe fuffent pas permis de donner tant de valeur à leurs fonds d’architecture : ils euffent craint de nuire au Hijet par ces acceffoires. Ces obfervations n’empêchent pas que l’auteur ne doive être compté entre nos fort habilespein’.res. Oh voit, au château des ’J-’uileries, un’ grand nombre de plafonds peints de fa main ; il avoir foixante & dix-huit ans, <{uand il peignit d’une grande manière, aux Invalides , la voûte du fancluaire. Il efl mort en 1707, âgé .de foixante & dix-neuf uns. Indépendamment des ouvrages dont nous avons parlé, on voit de lui la Samaritaine dans îechœurdes Chartreux ; une Magdelaine aux pieds du crucifix, dansl’cgiife de l’Affomption. Ses quatre tableaux peints à Rome & envoyés au Roi, ont été gravés par Duchange, & par les deux frères Dupuis.

Antoine Coy ?el , fiis de Noël, né à Paris .eh 1661, fut élève de fon père, qui le mena avec lui à Rome ; mais ni la vue des chefsd’œuvre de Rome, ni l’exemple de Ton père, jne purent lui intpirer le goût de la véritable .grandeur , qui ne le trouve qu’avec la fimplicité. II fe lia d’amitié à Rome avec le Bernin , il aima fa manière , il écouta fes conieils ; c’étoit perdre d’un côté ce qu’il auroit dû gagner de l’autre par les études qu’il faifoit d’après Raphaël 8c les Carraches. Il conferva totjjours un goût affeflé que put lui infpirer le Bernin ; il ne lui refta rien des beautés vraies que les Carraches & Raphaël pouvoient lui faire connoître. D’ailleurs il revint à Paris à l’âge de dix-huit ans ; c’eft-à-dire , qu’il ibitit de Rome à l’âs ;e où il auroit pu lui être utile d’y arriver. Il n’avoit que dix-neuf ans quand il fit , pour Notre-Dame, le tableau ■qui reprélente l’Affomption de la Vierge. Il fut nommé , à l’âge de vingt ans, premier peintre de Monfisur, frère unitjue du roi, & devins premier peintre du roi en 171 J.

Les défauts d’un homme médiocre ne font pas contagieux. Pour qu’un artifte puiffe gâter une école , il faut qu’il aie un talent capable d’en impofer, & en même temps un goût vicieux. Coypel étoit fupérieur à pli :fit-urs arliftes dont no-us avons parlé même avec qiielqu’éloge ; mais il a été funefte à l’école Françoife , précifément parce qu’à fes vices "il a joint des qualités affez féduifantes pour fe faire regarder comme le premier peintre de fon temps , & furtout parce que fes vices étoient ,précifément ceux qui fafcinent les yeux du vulgaire. Parce qu’il favoit agencer d’une’nis.aière théâtrale ce qu’on appelle une grande ma-P E I

chîne, parce qu’il répandoit dans fes tableaux des traits de bel efprit, on crut qu’il poffédoit la véritable poétique de l’art ; parce qu’il donnoit à les femmes des phyfionomies purement îrançoifes , on crut qu’il les faifoit belles : parce qu’il leur prêtoit des minauderies , on crut qu’il leur donnoit de la grâce : il leur donnoit en effet toute celle qu’elles pouvoient apprendre des maîtres de danfe , toute celle, par conféquent, que rejette la nature. Il confultoit le comédien Baron fur les attitudes qu’il devoit donner à fes figures, & traveftiffoit les héros de l’antiquité en héros de théâtre. Il adopta, il tâcha d’érernifer par fon pinceau toutes les afféteries qui étoient alors à la mode 5 & il plut à la cour, parce ou» la cour fe reconnoiffoit dans fes ouvrages, & : voyoit avec plaifir que l’art prenoit exemple d’elle pour s’écarter de la nature. A tout cela il joignoit un coloris d’éventail , que les gens du monde appelloient une belle couleur. Le plus confidérable de fes ouvrages, ceJuî où il avoit cherché le plus à déployer tous ies talens, & dans lequel il avoit peut-être le mieux développé tous fes défauts , étoit la nouvelle galerie du Palais-Boyal , qui vient d’être dérruite , & dans laquelle il avcit repréfenté quatorze fujets de l’Enéide. Par l’air françois, par les manières de l’ancienne cour qu’il avoit répandues dans ces morceaux , on pouvoit dire qu’il avoit fait une Enéide traveflie.

On voit à Paris un grand nombre de fes ouvrages ; entt’autres deux tableaux à Notre-Dame , l’Affomption dont nous avons parlé, & Jéfus-Chritl dans le temple avec les docteurs ; trois tableaux dans l’églife de l’Affomption , qui repréfentent la Vifiration , la Conception Se la Purification ; un à .l’Académie des fciences , -dans lequel Mine.rve tient le portrait de Louis XIY ; quatre à l’Académie des belles-lettres , entre lefquels fe remarque un Apollon manière, fans beauté, fans no— bleffe, qu’on pourroit appeller l’Apollon danfeu r.

Il faut le répéter : malgré cette critiqua, févère , Antoine Coypel n’étcit pas un peintre médiocre. Il n’étoit point né avec le génie du grand : mais il avoit de l’elprit, de l’abondance , do l’agrément, un deflin affez correci, uns exécution affez bonne , quoiqu’un peu sèche ; s’il avoit fait de meilleures études , s’il n’avoit pas été égaré par un faux goût , il tiendroit un rang diftingué , non pas entre les g’-ands maîtres , mais entre les fort bons peintres.

Si quelqu’un étoit choqué du jugement que nous avons, porté d’Antoine Coypel , nous

?’lons , pour réparer notre faute, tranfcrire 
! telui de Dandré Bardon. « Aufli poëte qu«