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ceux où il s’est abandonné à son propre génie & à la douceur de son tempérament. Il est très probable que c’est l’influence des Florentins qui a dicté les éloges accordés à Raphaёl lors qu’il s’est efforcé de n’être plus lui-même.

De deux tableaux du cabinet du Roi qui portent le nom de Michel-Auge, l’un représentant David qui terrasse Goliath est de Daniel de Volterre ; l’autre représentant la Vierge, l’enfant Jesus & Saint Joseph, est regarde comme douteux, & semble peu digne du maître auquel il est attribué.

La fameuse Léda qui fut placée à Fontainebleau étoit certainement un ouvrage de Michel-Ange. Un scrupule barbare a fait bruler ce tableau dont le sujet étoit trop librement traité. Il auroit suffi de ne le pas laisser exposé indifféramment à tous les regards.

On voit de Michel-Ange au palais-royal, une descente de croix, un Christ au jardin des olives, Ganymede enlevé par un aigle, & une fainte famille. Tous ces tableaux sont petits.

La Léda de Michel-Ange a été gravée en 1546 par Æneus Viccus. Un de ses cartons de Florence l’a été par M. Antoine ; on appelle cette estampe, les grimpeurs. Son jugement dernier a été gravé plusieurs fois.

(7) Tiziano Vecelli, le Titien, né en 1477, mort en 1576. Voyez ce qui le concerne sous l’école Vénitienne, article École. Il fut successivement élevé des deux frères Gentil & Jean Bellin, que l’on peut regarder comme les Patriarches de l’école de Venise. Il fit sous eux assez de progrès pour les égaler bientôt, mais quand il eut vu les ouvrages du Giorgion qui s’etoit fait une meilleure manière, il en reconnut le mérite, eut peu de peine à l’imiter, & fit des ouvrages qui furent attribués à son émule.

On remarque, dès la naissance de l’école Vénitienne, un procédé qui devoit donner aux peintres de cette école plus d’exécution, plus de pratique de la main, & même plus de couleur qu’à ceux des écoles Romaine & Florentine ; mais qui devoit nuire à la grande correction & à la pureté des formes. Ce procédé des Vénitiens consistoit à peindre sur la toile ou sur le paneau, sans avoir préparé leur travail par aucun dessin ; au lieu que les peintres de Rome & de Florence ne peignoient aucune figure sans en avoir fait des études dessinées, & sans en avoir arrêté sur des cartons les formes & la terminaison des ombres & des lumières. Le Titien suivit la pratique de son pays qu’ont malheureusement adoptée des écoles moins coloristes.

Ce fut sur tout par des portraits qu’il commença sa réputation & dans ce genre elle a été affermie par le temps. Il fit celui de notre Roi François I. lorsque ce prince étoit en Italie. Il fut mandé à Bologne par Charles Quint pour peindre cet Empereur. Le Pape Paul III. qu’il avoit déjà peint à Ferrare, l’appella à Rome pour le peindre une seconde fois. Ce dernier ouvrage est du genre des portraits qu’on appelle historiés : Le pontife y est représenté assis, s’entretenant avec le duc Octave & le cardinal Farnese. Ce fut pendant son séjour à Rome que le Titien fit son fameux tableau de Danaё, & c’est à l’occasion de cet ouvrage, que Michel-Ange avoua qu’on ne pouvoit mieux colorer que les Venitiens, mais qu’il étoit fâcheux qu’ils dessinassent si mal. Paul III. voulut donner au fils du Titien l’Evêché de Céneda ; mais le père eut la modestie de ne pas croire son fils capable de remplir cette dignité.

Il fut encore chargé deux fois de faire le portrait de Charles Quint qui le fit chevalier de l’ordre de Saint Jacques. Le peintre travaillant un jour en présence de l’Empereur, laissa tomber un de ses pinceaux que le prince ramassa ; & comme l’artiste se prosternoit en prononçant quelques mots d’excuse : “le Titien mérite bien, lui dit Charles, d’être servi par César.” Ce prince voulut que le portrait du Titien fut placé dans une espèce de frise, avec ceux de plusieurs illustres personnages de la maison d’Autriche.

Ce peintre passa plusieurs années en Allemagne. Il fit à Inspruch, sur une même toile, les portraits de Ferdinand Roi des Romains, de la Reine épouse de ce prince & de sept de leurs filles. Il reçut à Venise la visite de Henri III. & le pria d’accepter quelques uns de ses tableaux qui sembloient lui plaire. Le monarque accepta le présent du peintre, mais il ne se laissa pas vaincre en générosité.

En considérant seulement le Titien comme peintre, c’est-à-dire en n’ayant égard qu’à la couleur & au maniment du pinceau, il mérite sans restriction les plus grands éloges. Comme dessinateur, il mérite souvent des reproches. Comme peintre d’histoire, on l’accuse des plus choquans anachronismes ; on ne lui pardonne pas de n’avoir point été assez scrupuleux dans le choix des formes, assez grand, assez noble dans ses expressions, assez poёte dans ses conceptions.

Il n’a pas été surpassé dans la peinture du paysage. « Ses sites, dit de Piles, sont composés de peu d’objets, mais bien choisis ; les formes de ses arbres bien variées, leurs touches légères, moëleuses, & sans manière ; mais ce qu’il a observé assez régulièrement, est de faire voir dans ses paysages quelqu’effet extraordinaire de la nature, lequel fait une sensation piquante, & remue le cœur par sa singularité & par sa vérité. »