Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T02.djvu/177

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ilTi !e. Ils vouili-oîent lire dans l’avenîf ; & de là font nées l’aftrologie judiciaire , la chiromancie , la nécromantie &. toutes les fuperilitions qui forment l’art prétendu de la divination. Ils voudroient pouvoir lire fur le front des iiommes l’intérieur de leur ame & : les qualités de leur caraftère , & ils ont foinié une fcience qu’ils ont appellée phyfiognomonie. Ariflote n’a pas cru indigne de lui d’en tompofer un traité, & l’on y trouve,, avec les préjugés de fon fiècie , . des traits dignes de fon génie. Polémon , Blelanthius ont fuivi fon exemple , mais ils n’ont pu joindre , comme lui , des obfervatibns profondes à leurs imaginations faperftitieufej. Jean - Baptifte Porta , gentilhomme Napolitain, homme crédule, a renouvelle, dans le feizième fiècle , cette fcience fondée fut la crédulité, & il à eu le fuccès que peuvent toujours cfpérer ceux qui flattent la fuperflition. Enfin , dans le lofiècle , qu’on appelle le fiècle de la philofophie, un homme s’eft rendu célèbre par fes prétendues découvertes phyfiognomoniques , & il a trouvé de zélés partifans chez des peuples qui ont une réputation de fageffe, & fur des hommes qui ne devroient pas être tout-à-fait étrangers à la philofophie.

La phyfiognomonie eft une fcience fauîFe. La conformation du front, du nez, de la touche , des yeux plus ou moins fendus , pli ;s ou moins ouverts, des cheveux droits , légèiement frifés ou crépus , ne décident point du caraftère des hommes. On peut ajouter qu’il efl : dangereux de croire à cette fcience, parce qu’il l’ell de former fur les hommes des jugemens iniques.

Mais fi l’on ne doit porter aucun jugement fur les parties de notre vifage que nos habitudes ne peuvent changer , fi un front large, un menton pointu, un nez anuilin n’ont aucune influence fur notre caraftère, il ed : des ju’i'cmens que l’on peut porter fur les parties mul’culeufcs & mobiles , parce que nos paffions habituelles ont fur elles de l’influence. L’habitude de réfléchir creufe des plis au front, rapproche les fourcils. L’habitude du calme intérieur répand un doux repos fur toute la phylîonomie. L’habitude de la douleur éteint l’éclat des yeiix , abbaifle la paupière fupérieure : • celle du rire fait relever les angles des lèvres, & fillone le voifînage des angles extérieurs des yeux. L’habitude do la colère ne laiffe pas toujours des traits ineffaçables ; mais en obfsrvant bien l’homme très-irafcible , on verra que fes traits expriment une colère commençante , lors même qu’il ne fait que s’animer.

Le peintre n’ayant d’autres moyens de faire cônnoître I"e csraélère des homines qu’il repréfcntej que la conformation de leurs traits, P H Y {6-7

j do-ît faîte une étude profonde de tout ee qui indique lur la phyfionomie l’habitude des paiTions.

Il doit faire plus encore. Quoique nous ne croyons pas, ce que lui même ne doive pas cro.re que la conformation des parties immobiles de la tête ait quelqu’influence fur les mœurs , ou rei^oive des moeurs aucune influence, il n’en efl : pas moins vrai qu’il y a dans la conformation de ces parties certains caraflères qui donnent à l’homme l’air bon ou méchant, l’aii- fpirituc ! ou ftupide, qui femblent indiqL’er des habitudes fages ou défordonnées, prudentes eu folles, tempérées ou luxurieufes.

Un homme peut avoir les yeux couverts, S : une anse franche. Mais un peintre ne donnera pas des yeux couverts à une figure dans laquelle il veut exprimer la franchife. Vn& face allongée , dans la forme de celle des moutons, donne une phyfionomie fbupide , Ce peut être cependant celle d’un homme d’efprit : mais le peintre qui voudra repréfentcr un phiiofophe, ne lui donnera pas cette configuration. On fait qu’il y a eu des héros de fort mauvaife mine ; un peintre lëroit trè ;juileraent réptéhenlible , s’il donnoit unem.auvaiie mine à un héros , à moins qu’il n’en fit le portrait.

Il ne fauroit donc, trop étiidier les caraiStères qui confriiuent les phj’lionomies qui font regardéescommebafTes , nobles , hautaines , fines, fpiriruelles , réfléchies, perfides, (incères, humaines, cruelles. Ces caraûères peuvent être trompeurs , mais ils font vrais pour l’artifle. L’hiflroire nous apprend que Charles - Je -Mauvais , roi de Navarre , avoir une belle phyfionomie , àes manières agréables , qu’oiï ne pouvoir le voir &c fe défendre de la féduction : mais le peintre ne repréfentera jamais un méchant homme Ibus les traits que l’hiftoire donne à Charles- le- ?.lauvais. L’art doit donner un air aimable à l’homme qu’il veut nous faire aimer, un air cruel à celui dont il veut peindre la férocité, un air perfide au traître , un air fervile à l’homme bas.

Perfonnc n’a plus varié que Paphaèî le caraftère de^ phyfionomies. Ce maître inimitabla dans un fi grand nombre de parties capitales de l’art, eft encore le plus grand maître dans cette partie. Il n’a pas craint de dégrader l’arc en repréfentant les phyfionomies même les plus ignobles. Les peintres qu’on appelle de grande’ machine ne l’ont po-int imité en cela. Usns la foule innombrable de figures qu’ils fe plaifenc à créer, à groupper, à faire contrafirer , il n’en eft pas le plus fouvent une feule qui préfente un caraaère bien marqué. Quand ils ont fait des figures , ils croyent avoir tou^