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che des belles chofes , & ne mettant point de bornes à la curiofité des pierres gravées, nonfeulement iis en dépouillèrent la Grèce, mais ils attirèrent encore à Rome, pour en graver de nouvelles, les Diolcoride, les Solon & : d’autres artiftes auffî difl ingués. On para les ilatues des dieux de ces fortes d’ornemens , on en monta des bagues à l’ufage de toutes les conditions, &, qui pourroit le croire ? il le rencontra des voluptueux aflez délicats, pour ne pouvoir foutenir pendant l’été le poids de ces fortes de bagues, Juven. fat. i. v, 28. Il fallut en faire déplus légères & de plui épaifles pour les différentes faifons.

Quand les perfonnes moins riches n’avoient pas le moyen de fe procurer une pierre fine , ils faifoient feulement monter fur leurs anneaux un morceau de verre colorié, gravé ou moulé fur quelque belle gravure ; & l’on voit aujourd’hui, dans plufieurs cabinets, de ces verres antiques , dont quelques uns tiennent lieu d’excellentes gravures antiques que l’on n’a plus.

Leurs anneaux, leurs bagues, leurs pierres gravées fervoiect à cacheter ce qu’ils avoient de plus cher & de plus précieux -, en particulier leurs lettres ou leurs tablettes. Cette coutume a pafTé de fiècle en fiècle, & eft venue jufqu’à nos jours , fans avoir foufFert prefqu’aucune variation. Elle fubfifte encore dans toute l’Europe & jufques chez les Orientaux ; & c’eft ce qui a mis ces derniers peuples , fi peu curieux d’ailleurs de cultiver les arts, dans la nécefllté d’exercer celui de la gravure en creux fur les pierres fines , afin d’avoir des cachets à leur ufage.

Comme tous les citoyens , au moins les chefs de chaque famille , dévoient pofféder un anneau en propre , il n’étoit pas permis à un graveur de faire en même temps le même cachet pour deux perfonnes différentes. L’hiftoire nous à décrit les fujets de plufieurs de ces cachets. Jules-Céfar avoit fait graver fur le fien l’image de Vénus armée d’an dard -, gravure dont les copies fe font multipliées à l’infini. Le célèbre Diofcoride avoit gravé celui d’Augufl :e. Le cachet de Pompée repréfentoit un Lion tenant une épée. Apollon & Marfias étoient exprimés fur le cachet de Néron. Scipion l’Africain fit repréfenter fur le fien, le portrait de Syphax qu’il avoit vaincu ^

Les premiers Chrétiens qui vivoîent confondus avec les Grecs & les Romains, avoient pour figne de reconnoiflance des cachets fur lefquels étoient gravés le monogramme de Jéfus-Chrift , une colombe , un poiffon , une anchre , une lyre, la nacelle de Saint-Pierre, & d’autres pareils fymboles.

f.e luxe & la moleffe afiatique , qui s’ac-P lE


crurent chez les Romains avec leurs conquêtes, ne mitent plus de bornes au nombre & aux ufages des pierres gravées. Ils crurent en devoir enrichir leurs vêtemens & en relever ainfi la magaificence. Les dames Romaines les firent pafTer dans leur coëffure ; les bracelets, les agrafes, les ceintures, le bord des robes en furent parfemées, & fouvent avec profufion. L’empereur Eliogabale porta cet excès fi loin , qu’il faifoit mettre fur fa chauffure àes pierres gravées d’un prix ineflimablè, & qu’il ne vouloir plus revoir celles qui Iti avoient une fois fervi. Lamprid^ in vita Eliogab. c. 21.

Il y avoit fans doute àes pierres gravées faites uniquement pour la parure , & l’on peut regarder comme telles ces émeraudes , ces faphirs , ces topafes , ces améthyftes , ces grenats, &r généralement toutes ces autres pierres précieufes de couleur, fur la furface defquelles font des gravures en creux , mais dont la fuperficie , au lieu d’être plate , efl convexe & fait appeller la pierre un cabochon. Il faut encore ranger dans cette claffe toutes ces pierres gravées qui paffent une certaine grandeur , & qui , n’ayant jamais été portées en bagues , ne paroîffent avoir été travaillées que pour l’ornement , ou pour fatisfaire la curiofité de quelques perfonnes de goût II n’efl : pas douteux que les pierres gravées en relief, ou ce que nous nommons des camées, n’entraffent aufTi dans les ajuflremens dont elles étoient propres à relever les richelTes & l’éclat. Le ehrifl :ianifme s’étant établi fur les ruines du Paganifme, l’univers changea de face & préfenta un fpeflacle nouveau. Les anciennes pratiques furent la plupart abandonnées , & l’on ceffa par conféquent d’employer les pierres gravées à une partie des ufages auxquels on les avoit fait fervir jufqu’alors. Elles ne fervirent plus qu’à cacheter. Mais quand la barbarie vint à inonder toute l’Europe , l’on ne cacheta plus avec les pierres gravées : on fe foucia encore moins de les porter en bagues ; on étoit trop loin d’en connoître le prix. Elles fe diffippèrent ; plufieurs rentrèrent dans le fein de la terre pour reparoître dans un fiècle plus éclairé & plus digne de les pofféder : d’autres furent employées à orner des châffes, & à divers ouvrages d’orfèvrerie à l’ufage des églifes ; car c’étoit le goût dominant : c’étoit à qui feroit le plus de dépenfes en reliquaires, & à qui en enrichiroit les autels d’un plus grand nombre. Plufieurs de ces anciennes gravures ineflimables , plufieurs de ces précieux camées que les empereurs d’Orient avoient emportés de Rome, ne fortirent du lieu oil iis avoient été transférés , & ne repaffèrent dans l’Occident, que pour venir y occuper des places dans les chapelles , & y tenir rang avec les re-Y ij